"Thème libre", a dit Lilou pour le second jeudi en poésie du défi n°92 desCROQUEURS DE MOTS
Gourmandise, la cuillerée de lait, ... m'en voudra-t-elle Lilou, si je réédite ce poème de Victor Hugo (déjà réédité pour son défi n°87 pour le "feu"). Il me semble qu'il est bien dans la continuité de ce que j'ai mis en ligne et qui plus est, de saison.
... Je lui pris la main : "Entrez, brave homme."
Et je lui fis donner une jatte de lait.
Une jatte de lait, c'est moins pingre qu'une cuillerée ... De quoi satisfaire la faim et la gourmandise
Le mendiant
Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.
Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant
Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile.
Les ânes revenaient du marché de la ville,
Portant les paysans accroupis sur leur bâts.
C'était le vieux qui vit dans une niche au bas
De la montée, et rêve, attendant, solitaire,
Un rayon de ciel triste, un liard de la terre,
Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu.
Je lui criai : " Venez vous réchauffer un peu.
Comment vous nommez-vous ?" Il me dit : "Je me nomme
Le pauvre." Je lui pris la main : "Entrez, brave homme."
Et je lui fis donner une jatte de lait.
Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,
Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.
"Vos habits sont mouillés, dis-je, il faut les étendre
Devant la cheminée." Il s'approcha du feu.
Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,
Etalé, largement sur la chaude fournaise,
Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé.
Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé
D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières,
Je songeais que cet homme était plein de prières,
Et je regardais, sourd à ce que nous disions,
Sa bure où je voyais des constellations.
Victor Hugo, , V, 9 ; décembre 1854,
Les contemplations publié en 1856
Illustration : Le repas du mendiant, de Picasso, 1903
Bonus entendu ce matin : si vous avez le temps, une émission à écouter en entier :
Comme on nous parle du jeudi 20 décembre 2012 sur France Inter :
Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon
et si vous manquez de temps, écoutez au moins le reportage sur le Boulevard Haussmann à partir du temps 34mn40 (durée environ 3 minutes)