mercredi 13 juillet 2011

Les grandes vacances de nos enfances (2)

Souvenirs d'été, souvenirs d'enfance : 2 Départ pour ma première colonie de vacances


je l'ai promis aux CROQUEURS DE MOTS ; voilà une suite ...

C'est l'effervescence des moments décisifs sur le quai de la gare.

Cette première expérience, il y a tant de jours que j'en rêve. Mes frères et sœurs ont su,  par leurs récits, m'éblouir de leurs aventures et susciter mon attente. J'ai même hâte d'arriver à l'âge des camps d'adolescents et des caravanes itinérantes. Mais je n'en suis pas encore là.

Ce jour, j'ai eu le privilège, pour emmener le trousseau de linge soigneusement marqué avec des étiquettes de tissu Boussac à mon nom, d'utiliser un de ces baluchons ramenés de leurs séjours précédents.
En toile blanche, il me semble immense, ce sac de voyage, pour ma carrure de môme crevette, à mi-chemin entre le polochon et le barda du marin.

Ce sac est un sésame qui me propulse dans ce monde étranger des colons au rang d'initiée. Situation bancale en vérité, qui m'a épargné les tout premiers rites de bizutage tout en me demandant d'apprendre à nager directement dans le grand bain.
Ce voyage, même si ce n'était pas la première fois que je prenais le train sans doute, reste flou dans mon souvenir. Seules affleurent des impressions, des sons et des odeurs ...

Comment raconter l'odeur des machines à vapeur, de la poussière de charbon et des escarbilles ... Le murmure des conversations sur le quai, les enfants figés de l'attente, l'immense et curieuse construction chargée de ravitailler la locomotive en eau et en carburant.

Il faudrait plusieurs années encore pour voir remplacer ces imposantes locomotives, du type Pacific 24... par des automotrices plus modernes ... sans pour autant voir arriver l'électrification longtemps promise.

Les quelques arrêts en gare de l'express étaient autant de haltes techniques, ce qui laissait du temps à nos joyeuses troupes pour grimper dans les voitures réservées par la CCAS de l'EDF*. Plus tard, l'annonce des trois minutes d'arrêt alimenterait ma terreur de ne pas avoir le temps de monter dans le train et plus encore d'en descendre à l'arrivée. Pour le moment, nous avions encore tout notre temps.

Aucun risque non plus d'effrayer d'autres voyageurs par notre turbulence toute relative, car nous étions entre nous. Les convoyeurs, nous les connaissions, car c'était des personnes de l'EDF engagés dans le comité d'entreprise ou leurs conjoints. Les autres enfants, nous nous étions également croisés à l'occasion des arbres de noël ou de la distribution des cadeaux d'entreprise pour les fêtes des mères.

Le trajet faisait encore à peu près deux heures trente mais il ne m'avait pas paru long. Nous avions visité l'un après l'autre les compartiments pour en détailler ces photos en noir et blanc montrant les principales attractions des destinations ferroviaires touristiques. Pas question cependant d'aller dans d'autres wagons  qui ne communiquaient pas encore entre eux. Seuls les contrôleurs avaient le privilège, légèrement acrobatique, de franchir les attaches aimantées au dessus des rails.

A Paris, une flottille de cars nous attendaient pour nous conduire à la Porte de Versailles où un vaste hangar était aménagé pour servir de plateforme d'accueil et d'aiguillage de tous les colons qui partaient ou revenaient de colonie et dont le plus grand nombre devaient transiter par la capitale.

Sous la voûte de cette immense coupole, avec au cœur une pointe de timidité craintive mêlée d'émerveillement, j'ai le sentiment d'entrer dans le jardin des merveilles d'Alice ...

A suivre ...

 ligne Paris Granville


Imaginez cette place, telle qu'en mon souvenir, avec toutes les autos des années cinquante des parents qui ont amené leurs rejetons jusqu'à la gare.
Un clic sur l'image pour retrouver le site où j'ai emprunté cet exemplaire numérisé, parmi les nombreuses cartes postales envoyées par des voyageurs.

* A cette époque d'enthousiasme pour le progrès économique et social, la CCAS était, avec certes les moyens financiers d'une grande entreprise publique nationale, un véritable laboratoire de l'éducation populaire et du temps libre, une ruche effervescente d'activité solidaire et d'engagement mutuel.