mardi 17 février 2009

Virages

~ Billet 56 du 17 février 2009 ~ (publié initialement sous la rubrique "petits écrits ludiques" pour la communauté écriture ludique)

Jeu d'écriture pour Ecriture Ludique n°41 sur image sur une proposition de Michel faux rêveur (l'image ci-dessous est proposée en appui par EL) :



  Une route qui sillonne au milieu de la nature, le soleil qui profite d'une trouée pour dispenser une lumière irréelle... et un virage. A votre avis, que découvrira le curieux au détour de celui-ci ? Cette question, vous aurez l'opportunité d'y répondre ou non (à votre convenance) dans cet exercice, en vous inspirant de l'image, du titre (Virage)... et pour le reste, en totale liberté :-)

En cette fin de matinée d'hiver, le ciel sans lumière fait un paysage sans attrait, rien de plaisant à l'œil, de mornes terres grises, des sillons de jeunes pousses aussi grises se confondant avec le sol et le ciel. Pas de brume, non, rien qu'un dégradé de couleurs sans relief et sans perspective ni profondeur. J'aime cette route au spectacle toujours renouvelé que j'aimerais croquer ou décrire dans ses infinies variations. Mais là, rien que du banal presque laid.
Il est 11 heures et demi et je dois être à la ville voisine avant midi. Personne derrière mon véhicule, inutile de me presser sur cette route faussement plate et sinueuse. Rien qui m'incite à la flânerie pourtant.
Au premier virage, trois voitures se suivent, venant à ma rencontre, en file sage l'une derrière l'autre, sans impatience, aussi grises que le paysage.
Juste après le deuxième virage, un peloton de cinq vélos occupant la surface d'une grosse camionnette, chevauchés par de modernes chevaliers dans leurs juste au corps vivement colorés réveillent quelques secondes cette nature morne.
A l'endroit même où mon jeune cycliste de fin juin avait vacillé et godillé dangereusement sur le côté gauche de la chaussée avant de rétablir in extremis son équilibre ! (épisode raconté dans le billet 04 Si Cassandre). Eux sont à leur place sur la partie droite de la route mais l'occupant sur toute la largeur autorisée par un véhicule à quatre roues. C'est vrai qu'ils en ont dix à eux cinq.
J'ai même cru capter un rai de lumière moins atone, pas même un éclat de soleil, mais Dame Nature boudait décidément la consigne, dans les boucles argentées de la barbe du cycliste qui est passé le plus près de moi.
Au virage suivant, sans que mon regard vigilant et portant loin ne les ait distinguées avant, deux autres voitures, aussi grises que le reste, comme absorbées par ce terne décor. Pas d'impatience là non plus elles roulent à une allure raisonnable et comme les vaillants seniors en manteaux d'arlequin pédalent avec détermination, elles n'arriveront derrière eux qu'à l'entrée de la ligne droite.

A 90 km/h, ce qu'il leur était permis, ils auraient rejoint ces cyclistes indépassables en plein virage.

Je continue tranquillement ma route, mon attention vouée à la conduite. Pas question, avec « toute » cette circulation, de guetter un envol de busard. (Renseignements obtenus, c'est l'hypothèse la plus vraisemblable de ma rencontre de l'autre jour contée dans le billet 49 le berger qui dévorait les livres)
Juste après le virage suivant, encore une autre voiture. Cette dernière roule assez modérément aussi et tellement à droite qu'elle en mord légèrement la berne de temps à autre provoquant alors un écart pour retrouver sa voie. Le conducteur est du coin, se croit prudent en ayant ralenti son allure. Il a un téléphone à l'oreille.

Croit-il sérieusement qu'il aurait le temps et le réflexe de réagir avec pertinence si les cyclistes croisés tout à l'heure, au lieu d'avoir deux virages d'avance, s'étaient encore trouvé à la sortie de ce dernier virage ?

Beaucoup plus loin, entre talus et nids de poule nés des derniers dégels, peinant dans la longue et légère montée traîtresse, un ultime cycliste dans sa combinaison rouge sombre dont le costume moins neuf et moins clinquant m'interpelle sur son appartenance au groupe précédent. Quelques mètres encore et je dépasse le panneau de la bourgade.

Remarque : outre le rayon de soleil qui s'est refusé à mon regard pendant tout le trajet, j'ai fait un autre pas de côté par rapport à la consigne. Tout est vrai et non imaginé, à l'exception du paragraphe [Croit-il sérieusement...à la sortie de ce dernier virage] et évidemment, le paysage ne correspond pas à celui de la photo.



Et pour ne pas rester sur cette palette de tristes couleurs,


voyez, sur une autre route, un autre jour, comme la campagne est belle.


Remarque importante : Le site d'écriture collective Ecriture ludique a changé d'adresse. L'adresse du blog où l'on peut retrouver les plannings est la suivante :           http://ecritureludique.over-blog.com/

J'ignore si cette communauté a une vie active, mais il est toujours possible d'y consulter une bonne partie des exercices si vous avez envie de vous y entraîner. Kildar, l'un des créateurs de la communauté d'Ecriture ludique, a rétabli les enchaînements logiques vers la liste complète des exercices proposés et le planning en 2008 et 2009.


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