jeudi 5 décembre 2013

La jeune poule et le vieux renard, de Florian

Pour rester avec les poules pour Lenaïg et son défi n°112 des CROQUEURS DE MOTS

La jeune poule et le vieux renard.

Une poulette jeune et sans expérience, 
En trottant, cloquetant, grattant, 
Se trouva, je ne sais comment, 
Fort loin du poulailler, berceau de son enfance. 
Elle s'en aperçut qu'il était déjà tard. 
Comme elle y retournait, voici qu'un vieux renard 
A ses yeux troublés se présente. 
La pauvre poulette tremblante 
Recommanda son âme à Dieu. 
Mais le renard, s'approchant d'elle, 
Lui dit : hélas ! Mademoiselle, 
Votre frayeur m'étonne peu ; 
C'est la faute de mes confrères, 
Gens de sac et de corde, infâmes ravisseurs, 
Dont les appétits sanguinaires 
Ont rempli la terre d'horreurs. 
Je ne puis les changer, mais du moins je travaille 
A préserver par mes conseils 
L'innocente et faible volaille 
Des attentats de mes pareils. 
Je ne me trouve heureux qu'en me rendant utile ; 
Et j'allais de ce pas jusques dans votre asile 
Pour avertir vos sœurs qu'il court un mauvais bruit, 
C'est qu'un certain renard méchant autant qu'habile 
Doit vous attaquer cette nuit. 
Je viens veiller pour vous. La crédule innocente 
Vers le poulailler le conduit : 
A peine est-il dans ce réduit, 
Qu'il tue, étrangle, égorge, et sa griffe sanglante 
Entasse les mourants sur la terre étendus, 
Comme fit Diomède au quartier de Rhésus. 
Il croqua tout, grandes, petites, 
Coqs, poulets et chapons ; tout périt sous ses dents. 
La pire espèce de méchants 
Est celle des vieux hypocrites.

Jean-Pierre Claris de Florian, Fable XVII, Livre II, 1792.

Jean-Pierre Claris de Florian, poète et fabuliste, 1755 - 1794


en illustration, une autre façon de raconter les rapports compliqués entre les deux personnages, un livre pour la jeunesse qui a son succès mérité.