jeudi 28 novembre 2013

L'assommoir, chanson de Delormel, Georgel et Buxeuil, vers 1920



"Quand les poules auront des dents ..." suggestion de Lenaïg pour le Défi n°112 des CROQUEURS DE MOTS.
Pour continuer dans la veine de cette semaine (25 novembre, Le monde d'Edmonde, ...) et du défi précédent.

voici une chanson consignée dans le cahier noir de mon père, pendant qu'il faisait son service militaire à Agadir au milieu des années 1920. Chansons entendues à la radio balbutiante pendant ses heures de repos, alors qui'l était lui-même technicien-radio.

L’assommoir

La dernière tournée encore un petit verre
A la tienne mon vieux vas-y t’es un frère
Et le roi bistro verse le vitriol
A ces pauvres fous assoiffés d’alcool
Neuf heures faut rentrer au logis en somme
Dit l’un d’eux. Tu n’es pas un homme
Quoi est-ce qu’on ne fait plus le samedi
A la sociale. Vite deux marcs bien servis
Avec ses petits sa femme ‘attend
Il rentre et leur dit le cœur content

Eh ben quoi ! Eh ben quoi ! ben me v’la
J’ai un peu bu oh ça j’dis pas
On a tout fait une bonne semaine
Ou il y a du plaisir ya pas de gêne
Viens poupoule quand j’ai bu un peu
Tu sais bien que j’suis amoureux
Elle dit en s’donnant j’te pardonne
Mais faut pas r’commencer mon homme

Mais le vice le tient jusqu’à ce qu’il roule
Dans tous les bistros maintenant il se saoule
Petit à petit maintenant tous les soirs
L’argent du ménage passe à l’assommoir
Les enfants et moi nous ne pouvons plus vivre
Tu n’es pas honteux d’être toujours ivre
Lui dit-elle Enfin chez nous y a plus de pain
On sera à la rue peut-être demain
Cette vie-là ne peut plus durer
Soudain l’homme furieux s’est redressé
Eh ben quoi ! Eh ben quoi ! ben me v’la
J’ai un peu bu oh ça j’dis pas
D’abord à toi j’te dois pas d’compter
Après tout ce n’est pas une honte
Eh ! ben qu’est-ce t’a à me r’garder
Tu vas voir que ça va barder
Si tu ne finis pas tes géries
J’m’en vas te r’dresser Amélie

Il a tout plaqué il ne trouve plus d’place
La saison s’en va le mal le terrasse
Il perd la santé criant qu’il s’en fout
Faut qu’il boive quand même il est toujours saoul
Oui mais l’ivresse a pour sœur la folie
Un jour il est pris par l’épilepsie
Et les yeux blancs, raide, il est tombé
Ecumant devant les siens terrifiés
A l’hôpital il faut qu’on le transporte
Murmurant pendant que l’délire l’emporte
J’ai trop bu oh ! ça j’dis pas
Guérissez-moi j’vous en supplie
Je vous jure que je n’recommencerai d’ma vie
Combien d’hommes ainsi chaque soir
Tombent assommés par l’assommoir ?
Plus d’alcool fermez l’officine
Il y aura moins de pleurs, moins de ruines.
Agadir, 8 février 1924 ???? (ou 8 décembre 1924 ou 8 février 1925 ?)
paroles de Delormel et Georgel, musique de René de Buxeuil

Ecrit à côté du titre (chanson vécue)

Bonus en complément : Le diable dans la bouteille, de Juliette, 2013 suggéré judicieusement par Emma

Jean-François Raffaëlli, Les buveurs d'absinthe, 1880-81