dimanche 28 avril 2013

Le roman du ponant

Ci-dessous la reprise des chapitres mis en ligne à l'été et à l'automne 2008

Voyages voyages (16 juillet 2008)

Et si l'Histoire s'était déroulée ainsi !

Nous sommes en 1489 et les aztèques (ou les mayas ou les toltèques) s'apprêtent à aller voir de l'autre côté de l'océan si le soleil se couche à l'est. Leurs vaisseaux sont encore à rames et à voiles, mais on leur a ajouté une drôle de machine à pistons qui entraîne des turbines et augmente la vitesse des navires en soulageant les rameurs.

Simplement, cette machine qui comprime l'eau n'est pas encore, semble-t-il tout à fait au point et les oracles y voient la machine du diable qui va effrayer les poissons et réveiller les génies des fonds marins.

Une délégation de la couronne impériale accompagne sur la grève le départ de l'équipage, tandis que les habitants se relayent pour passer autour du cou des marins des colliers de talismans et porte-bonheur.

Ils espèrent aussi aller à la rencontre du messager des dieux annoncé par les oracles. Ne viendra-t-il pas de l'orient par l'immensité de l'océan ?
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D'un côté à l'autre de l'Atlantique (6 août 2008)
1489, c'est juste avant 1492 et la date de la découverte des Amériques retenue par les livres d'histoire pour les écoliers. C'est en effet en octobre 1492 que Christophe Colomb aperçut une terre, sans doute San Salvador, après deux mois et demi de mer, avant d'acoster à Cuba et à Haïti. (réf toujours Petit Larousse 2006).
A cette époque, les Aztèques (au nord ouest du Mexique actuel) sont au sommet de leur puissance et leur capitale est à l'emplacement de l'actuelle Mexico. Les Toltèques sont leur alliés ou plutôt leurs vassaux. Les Mayas (sud est du Mexique actuel et Guatémala) sont en pleine décadence depuis le IXème siècle après avoir occupé toute la moitié de la péninsule de l'Amérique centrale.

(résumé très condensé de la consultation de Wikipédia et de l'Encyclopédia universalis dans une consultation gratuite). Comme je n'ai pas pris de notes et que je ne suis pas historienne, je ne rentrerai pas dans plus de détails.

Dimanche soir dernier, le 3 août, un documentaire britannique de Carl Hall, nous emmenait sur la trace du mystère des Mayas sur France 5.
Les indiens n'ont pas tous, heureusement, disparu mais entre les guerres de conquête, l'arrogance des "colons", les épidémies dues aux microbes amenés dans les navires et ce fléau mondial qu'est l'abus de boissons alcoolisées, ils ont été décimés et affaiblis.
Leurs civilisations, peu disertes sur l'état de leurs connaissances scientifiques et techniques, à moins que l'orgueil des conquistadors n'en aient fait disparaitre les traces et les témoignages (écrits ou représentés sous d'autres formes) étaient certainement beaucoup plus avancées que nous ne l'imaginons.
Le propos de Voyages voyages est simplement d'amorcer une fiction qui aurait pu se produire si la conquête, grâce à d'autres techniques, s'était faite dans l'autre sens de l'océan atlantique.






Calendriers aztèques : à gauche sur parchemin, encadré avec talent par une de mes soeurs, à droite, trouvé dans Wikipédia ; je pense, que c'est une terre cuite colorée. 
Précision sur le calendrier provenant de wikipédia : reproduction de la pierre du soleil (Aztec sun stone replica) découverte en 1791.
L'utilisation de cette image doit respecter les règles de la licence creative commons 

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Si les conquistadors avaient été les conquis (1er octobre 2008)

Petit aparté pour commencer, un nouveau documentaire sur les Mayas de la semaine dernière je crois m'a confirmé dans l'intuition que les témoignages des civilisations de l'autre côté de l'atlantique avaient été détruits de manière systématique. Actuellement quatre parchemins resteraient dont le codex de Dresde qui sert de base à la reconstitution de l'écriture maya. La langue s'est maintenue tant bien que mal par tradition orale et de manière clandestine jusqu'à la fin de l'Inquisition et a donc réussi à survivre jusqu'à nos jours, mais l'alphabétisation avec notre écriture avait, en à peine deux générations, fait disparaître la connaissance des signes écrits, pourtant témoins d'une civilisation beaucoup plus avancée que les nôtres à l'époque. D'ailleurs, il a pu être établi qu'ils utilisaient le zéro dès les siècles avant notre ère.

Pour de plus amples renseignements, taper codex mayas sur un moteur de recherche. Il y a une foule de renseignements dont je n'ai pas l'expertise pour en recommander la pertinence ni pour en pointer les faiblesses.

Internet est une jungle touffue avec des trésors et des écueils, alors je tâtonne souvent.

Voici une illustration d'un codex maya trouvé sur wikipédia :
Impressionnant, n'est-ce pas ! Et ce n'est qu'un tout petit fragment !

Imaginons que les habitants de ce continent, qui sera nommé plus tard Amérique, aient atteint nos rives avant Christophe Colomb !

Après tout, les Gaulois, tribu assez réduite du temps des Gaules (notez bien le pluriel), ne sont que très peu dans notre héritage culturel et génétique.

Sans remonter aux migrations entre celtes et bretons, les hommes du Nord, autrement dit les Normands north's men en anglais moderne tiens donc ? avaient bien fini par s'installer dans les provinces des côtes d'opale et de nacre après avoir mené des expéditions de rapine depuis la Scandinavie.


Les Normands, encore eux, ont migré vers les îles britanniques au XIème siècle depuis les côtes des environs de Dives sur Mer. Quand je pense que les descendants de frères et de cousins se feront plus tard une guerre de cent ans !


Donc rêvons que ces fiers peuples, ces civilisations lettrées, savantes, qui avaient su établir une connaissance des étoiles et des planètes avec une précision qui devrait forcer l'admiration, inventons qu'ils aient réussi à fabriquer des navires capables de remonter les vents et les courants pour parvenir jusqu'en Europe.


Des questions se posent par exemple sur l'origine des Guanches des Îles Canaries.

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Du ponant au levant (5 octobre 2008)

Voilà plus de deux mois que j'ai planté là mes navigateurs au bord du rivage et au seuil d'un voyage vers l'inconnu. Certes, les traversées sont sensées être plus longues à cette époque hypothétique, mais tout de même, j'ai équipé leur navire d'un moteur à eau construit d'après l'observation de la propulsion du calmar et son efficacité allait décupler leur vitesse. Il ont donc atteint depuis deux mois une drôle d'île flottante en plein milieu de l'Atlantique, c'est d'ailleurs pour cela qu'ils vont nommer ainsi cet océan car les occupants de cette plateforme d'une centaine de kilomètres carrés se désignent comme les Atlantes.


le calmar est un céphalopode décapode voisin de la seiche mais qui peut atteindre plusieurs mètres de long pour les calmars géants

  
Mais zut, ce récit ne respecte pas les codes du roman. Il me faudrait des personnages qui se singularisent dans cet équipage. Certes, la flottille est composée de plusieurs navires et si la hiérarchie n'existe pas dans leur civilisation au sens d'une supériorité de certaines fonctions ou de certaines positions sociales sur d'autres, il n'en est pas moins nécessaire de coordonner ces quelques 300 hommes, sous la houlette d'un commandement efficace. Mener des hommes, qui plus est sur des flots tantôt dociles et tantôt déchaînés, demande une expertise qui s'acquière durement et en plusieurs années de navigation. S'y ajoute la nécessaire connaissance de la géométrie, de l'astronomie, et de l'usage des instruments de bord.

Sur Atlantis, la venue de tant d'inconnus a été observée avec prudence mais sans hostilité. La crainte des maladies et de comportements inadéquats a malgré tout conduit à une mise en quarantaine sur une annexe de 25 km2 confortable certes, mais confinant vite à l'ennui dans un temps où il n'y avait plus d'autre tâche à accomplir que les diverses occupations d'entretien. La nourriture était abondante et bonne, l'agencement des locaux et les diverses machines à disposition limitait le ménage au minimum. C'est vous dire que les plages horaires de liberté étaient grandes. Une vaste bibliothèque était bien à leur disposition mais les signes leur étaient une énigme à chaque page et la graphie leur semblait bien différente de celle des codex que les savants du navire avaient l'habitude d'utiliser.
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Personne n'était resté sur l'île de peur des contagions et les objets qui les entouraient gardaient pour la plupart d'entre eux leur mystère. Comment auraient-ils pu deviner qu'ils auraient pu entendre à distance et voir des images animées plus vraisemblables que nature sur ces drôles de draps blancs qui se déroulaient sur la verticalité des murs et que du son sortait de ces globes suspendus dans les coins des plafonds ?
Habitués au commandement au cœur même des plus dramatiques tempêtes, les hommes de l'amirauté avaient bien du mal à maintenir un calme relatif parmi ces hommes contraints à l'oisiveté.
Retour au réel ou plutôt à ses représentations.

Navires selon les époques :
1er siècle avant JC :

XIème siècle (tapisserie de Bayeux) souvenez-vous des Normands :


XIXème siècle :

Humains, rien qu'humains (10 octobre 2008)
Deux mois d'oisiveté relative ont paru bien longs à ces navigateurs de l'extrême. Du moins se croyaient-ils tels dans l'ignorance d'autres performances plus accomplies dont ils commençaient à appréhender la possibilité.
Le commandement a fini par trouver avec les plus sages et influents d'entre eux un mode de fonctionnement qui satisfasse une vie apaisée malgré un horizon vide. Il y eut bien aussi quelques procréations dont les œuvres se formaient lentement au creux de ventres encore silencieux de leurs précieux secrets.
- Comment ? N'avais-je pas écrit qu'ils étaient 300 hommes ?

C'est que vous êtes victime de ce double glissement de sens des doctrines judéo-chrétiennes, mais bien d'autres civilisations ont eu la même étroitesse de pensée, qui a conduit à considérer les femmes comme inférieures aux hommes (masculins) et par extension à confondre le genre humain avec sa moitié masculine, et encore, c'est faire abstraction du manque de considération pour les "métèques". (la suite n'est pas retranscrite ici, digressions trop éloignées de la construction du roman en lui-même)

Attendre le sésame (17 octobre 2008)
Attendre le sésame, pour être autoriser à faire étape ou pour un retour ou la poursuite vers l'inconnu ! Le grand saut, quoi !
La vie s'écoulait paisiblement entre loisirs et conversations. Certains appareils commençaient à livrer leurs secrets comme ces émetteurs de sons dont l'alternance supposait des musiques, bien loin de leurs rythmes et mélodies et des prosodies faisant plutôt penser à des langues, assez différentes les unes des autres, quoiqu'il fût possible d'y déceler des similitudes. Mais il leur était impossible d'en comprendre le sens !


Photo extraite du rapport 2007 de la Cimade  (ce cliché n'est pas de la fiction !)
Sur l'île principale, on s'activait bien autrement autour de cette arrivée singulière.

Voilà plusieurs décennies qu'aucun vaisseau ne s'était aventuré jusqu'à leurs rivages, comme le témoignage d'un de ces reculs historiques que le temps produisait par cycles. Au-delà de l'horizon, des avancées avaient dû être perdues. Des crises, des cataclysmes, et les générations survivantes en revenaient à des frontières indépassables.


Même source
(ce rapport rend compte de faits réels, on n'est pas dans la fiction ici)
Les épidémies ravageuses cinquante ans plus tôt avaient contraint les Atlantes à reconstruire ce sas d'accueil, évidemment désagréable et même violent dans son isolement vécu par les intéressés comme une méfiance désobligeante, sinon comme un rejet. Et ils en étaient sincèrement désolés.

Le confort et les possibilités de distraction avaient été mis là en abondance, comme en excuse à cette situation d'attente. La mémoire collective et le conservatoire des sources audiovisuelles étaient là pour leur rappeler l'indignité dans laquelle on parquait les immigrants informels dans ces camps de transit dont la population pour l'essentiel ignorait ou occultait l'existence. Cette époque était révolue pour leur Histoire mais les nouvelles d'un futur qu'ils estimaient à plus de cinq cents ans les avertissaient qu'on n'en avait pas fini avec ces traitements détestables. Rien à voir, donc, dans les aspects matériels avec ces parcs. Mais la contrainte d'isolement restait pesante.

Pourtant, la « quarantaine », dont le nom était une survivance de ces pratiques ancestrales d'isoler les contagieux 40 jours, n'aurait pas dû s'éterniser ainsi. Les possibilités de contamination microbiennes avaient assez vite été neutralisées par la production de vaccins.

Un autre motif, beaucoup moins désintéressé, avait poussé les Doctes à se pencher avec curiosité sur leurs drôles de machines de propulsion. Des travaux de recherche sur archives avaient bien mis à jour l'existence antique de tels moyens de locomotion, efficaces et peu coûteux, dont des civilisations ultérieures avaient perdu le savoir faire.

Ce peuple avait un degré de civilisation élevé dont il serait utile de puiser des connaissances nouvelles.

Il convenait aussi d'étudier avec soin leur mode de fonctionnement social pour mesurer leurs apports bénéfiques ou perturbateurs. De cette étude aussi discrète que scrupuleuse, dépendait leur autorisation à débarquer sur Atlantis.
Le long du rivage (23 novembre 2008)
Nos navigateurs commencent à faire des progrès dans la compréhension de la langue de leurs hôtes. Il faut dire que les moyens les plus étranges ont été mis à leur disposition. De ce fait, ils comprennent comment utiliser ces curieuses machines qui leur facilitent les tâches les plus banales comme le nettoyage ou l'alimentation mais aussi leur ouvrent un champ de connaissances insoupçonné de leurs terres d'origine.
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Ainsi, les plus curieux suivent avec intérêt et étonnement les rebondissements des crises financières et matérielles présentées en parallèle à différents moments de l'Histoire. La plus saugrenue peut-être est celle des années 2000 selon la datation chrétienne, qui n'est pas sans rappeler à leurs guests celle qui avait suivi en Espagne la découverte des Amériques dans un avenir proche par rapport à leur propre aventure. Les archives proposées sont étonnamment muettes sur l'Histoire dite précolombienne, mais les plus savants d'entre eux pourraient relater des catastrophes similaires qui avaient en leur temps redéfini la carte géopolitique de leur continent.
Une autre perspective qui les interpelle comme une étrangeté anecdotique est la perspective qu'ont certains Corses vers la fin du XXème siècle se considérant comme colonisés. Ce qu'ils semblent pourtant avoir compris, c'est que la France était (serait plutôt) dominée par le code napoléon et l'organisation mise en place par leur ancêtre Napoléon Bonaparte.
Quant à l'annexion d'un littoral de libre circulation par les spéculateurs immobiliers, ils auraient certes raison de préserver les sentiers du littoral, mais outre que l'exception corse avait mis à mal sa protection élaborée dans les années 1970, bien des zones de leur métropole avaient privatisé leurs rivages notamment en méditerranée mais pas seulement.
Sur leur île artificielle, eh oui, ils disaient déjà leur île, même s'ils n'avaient pas l'intention d'y rester, un sentier permettait d'en faire le tour sans l'obstacle de constructions ou de terrains privés.

deuxième essai de pastel (novembre 2008)
Ils avaient aussi cherché dans les informations du futur, des solutions aux imperfections de leur système de propulsion. Et là quelle n'avait pas été leur stupeur de constater que dans les années 2000, leur système n'était utilisé, et à grands frais car hors de l'élément naturel aquatique, que pour la propulsion de la fusée Ariane dans l'espace avant la mise à feu des moteurs principaux !
Il faudrait attendre sans doute encore, mais leurs loisirs ne leur avaient pas encore laissé explorer un avenir plus lointain. Pourtant, cette époque qui curieusement semblaient tant les intéresser, menaçait d'être bien malmenée par une catastrophe écologique annoncée par la plupart des savants et qui commençait tout juste à être envisagée par les responsable de la planète Terre.