jeudi 7 mars 2013

L'étranger, de Charles Baudelaire

"Envie de rien", pour le second jeudi en poésie du défi n°97 des CROQUEURS DE MOTS, piloté par Francine de Un Soir bleu, à qui Tricôtine notre amirâle a confié les clés de notre frégate.

Après l'envie de soleil et la liste de nos envies, ne plus avoir envie de rien, ... ou seulement des nuages ...
L’ÉTRANGER


— Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
— Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
— Tes amis ?
— Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
— Ta patrie ?
— J’ignore sous quelle latitude elle est située.
— La beauté ?
— Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
— L’or ?
— Je le hais comme vous haïssez Dieu.
— Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
— J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… les merveilleux nuages !
Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869