A vous de décider* cependant si vous préférez voir les images avant de lire mon petit texte ou seulement après.
La première mise en ligne du 8 juin 2014 (7h dans la catégorie chronique des jours d'antan) était faite en marge de mon défi n°124 pour les CROQUEURS DE MOTS et en cette Journée mondiale de l'Océan.
Thème 2014 :
« Ensemble, nous avons le pouvoir de protéger l'océan »
NB de ce mercredi 23 juillet 2014, 10h et des poussières :
quand j'ai reprogrammé ce billet il y a quelques jours, j'ignorais totalement que le remorquage de l'épave du Concordia était prévu aujourd'hui et soulevait des inquiétudes quant à son chargement encore à bord et aux risques de pollution.
Imaginez un long week-end de fin de printemps. La pentecôte peut-être. Deux jolis voiliers prêts à lever l'ancre depuis le port de Noirmoutier pour une mini-croisière de trois jours. Une météo de rêve, soleil et brise douce. Sept ou huit matelots sur chacun, plus ou moins chevronnés. Je fais partie des novices.
Certes, j'ai appris les rudiments du maniement d'un dériveur de type 420 sur ce que nous appelions pompeusement un lac.
Je vous passe les détails du début. C'est à juste titre que j'avais redouté le mal de mer. Ce fut l'affaire de deux ou trois heures. Nous étions partis après le repas et l'après-midi se poursuivit agréablement jusqu'au mouillage pour la nuit dans une petite crique.
Le lendemain matin, la mer était d'huile, le soleil toujours au beau fixe, le ciel sans un nuage. Juste un vent léger à confier la manœuvre aux moussaillons. Nous éloigner juste un peu de la côte fut chose aisée dont nous étions fiers.
Et puis, très vite, plus rien... pas un souffle de vent. Rien. Aucune risée, fût-elle minime. Il restait deux jours ... et nous étions au milieu de nulle part, à se partager quelques mètres carrés.
C'est là que l'un de nous a commencé à se comporter étrangement. Pas vraiment méchamment non. Mais ces réactions étaient dérangeantes. Il n'obéissait à aucun ordre, ce qui, sur un si petit espace où les gestes précis de chacun comptent, est source de difficulté. Si au moins il s'était contenté de s'abstenir de faire. Il passait d'un moment à l'autre de l'agitation à la prostration, de la logorrhée au silence inquiet.
Son fait de bravoure le plus marquant a consisté à boucher les toilettes avec le rouleau de papier. Ce qu'il a fait très tôt ce deuxième jour. Vous voyez où je veux en venir. Ce souvenir s'est activé lorsque ma recherche de texte sur la crémaillère m'a conduit au poème attribué à Musset.
Le reste du "voyage" s'est transformé en séances de pêche à la ligne (immobile), d'initiation à la lecture des cartes marines, de la remise en état du moteur auxiliaire, d'un bain dans une eau encore un peu fraiche, de l'apprentissage des gestions de crise en milieu clos ....
Le vent ne s'est pas levé et nous avons finalement rallié le port au moteur et à la godille.
Notre compagnon était schizophrène. Le responsable en était informé et avait donné son accord sous réserve d'une météo favorable. Elle était au beau fixe.
L'idée était à priori bonne s'il avait pu se sentir occupé et utile.
Le vent en avait décidé autrement. Il aurait pu décider pire ...
rois navires dans la tempête, Van de Velde, 1673 |
* Les mots lus ne sont jamais tout à fait les mêmes que les mots écrits, y compris quand ils sont relus par leur auteur. Les mots impulsés par une image échappent eux aussi, et c'est tant mieux, à un seul déterminisme bi-univoque. Mais il n'est pas gratuit de lire sans voir l'image, ou en l'ayant vu ou en la voyant. Quel que soit votre choix, découvrir l'image support avant ou après, vous ne pourrez remonter le temps pour comparer les expériences.
Le choix de l'une interdit les autres.