mercredi 30 juillet 2014

Défi n°128 : Les sentiments (épisode 3)

épisode précédent ; si vous avez manqué le début

[...] Elles avaient toutes eu, à une époque plus ou moins éphémère, sinon le monde à leurs pieds, du moins le tout Paris.
Le fracas brutal de leur chute ou leur déchéance progressive avait souvent fait des ravages.
Nos camarades rentraient lessivés de ces entretiens débordant souvent d'aigreur, de mesquineries envers leurs co-locataires imposées, de hargne envers ceux qu'elles évoquaient en souvenir de leurs jours de stars.
Leur cadre de vie, sans être luxueux (on ne faisait pas alors dans la démesure) leur apportait un confort largement suffisant, tel celui de notre résidence universitaire. A ceci près que leurs appartements (une chambre ou un studio) y était beaucoup plus spacieux que nos 8 m2 réglementaires, sans compter les salons communs (salles à manger, de lecture, de musique, de détente  ...)
Non, ce n'était pas leur misère physique qui était pénible, si l'on fait abstraction des marques du temps et des excès sur leur corps. C'était la misère morale et la solitude intérieure de ces femmes qui avaient mené une vie de luxe et l'avaient pour certaines brûlée par les deux bouts.
Le récit de leurs nostalgies et regrets, l'étonnement de ce qu'elles n'avaient rien anticipé, c'était cela qui était éprouvant à entendre et à constater.
à suivre ...

Goya, deux vieux mangeant, 1820