lundi 21 octobre 2013

Défi n°109 : "Soirée au phare"

article programmé, blog en semi-pause
Pour le défi n°109 des CROQUEURS DE MOTS proposé par Fanfan

Il avait atteint sans peine le rocher. Contrairement à ses craintes, la mer était devenue d'huile dès le premier coup de rame.
Les carcasses de barques sur le rivage n'étaient guère rassurantes mais la petite voix de feu son grand-père lui soufflant intérieurement
"Ta curiosité te perdra mon garçon !"
ne faisait qu'attiser sa témérité.
D'ailleurs, la porte du phare était grande ouverte, le faisceau tournait à 360° du sommet, comme si les décennies avaient été gommées.
Dès les premières marches, l'air s'emplit de La Truite, de Schubert, comme pour lui faire oublier les toiles d'araignées et les morceaux de squelettes.   
La salle du premier, carrée, ne contenait plus qu'un guéridon sur lequel un téléphone à cadran, relié à un répondeur des années 1970, récitait en boucle le message de Fanfan aux appels incessants :
"vous avez gagné une soirée dans  le phare  des Sanguinaires, avec le gardien, repas compris. Prière d'amener une nappe blanche"
Dans la salle du second, plus petite, des cartes avec des punaises. Un poste à galène des années 1940 diffusait les annonces de Pierre Dac
Tout en haut, en ombres chinoises, au rythme de la lanterne, les silhouettes d'un antique bal de débutantes valsaient sur La bal de Laze de Michel Polnareff
Son audace avait des limites ... Il dégringola aussi vite qu'il le put sans se rompre les os, poursuivi par Les frères Jacques chantant le complexe de la truite, de Francis Blanche, sans prendre garde qu'il s'enfonçait sous terre. Dans le bunker, oui c'en était bien un, des monceaux de bouteilles et de conserves et sur les étagères, un stock à tenir un siège de mille ans. Partout des écrans ultra-modernes visualisant des naufrages, matés par des costumes de SS, de miliciens et autres sinistres exécuteurs d'ordres.
Des enceintes haute définition se mirent à brailler La pince à linge, par les quatre barbus tandis qu'au mur, un portrait d'un feu dictateur à moustache était en pleine discussion avec celui d'un flibustier borgne.
"Réjouissons-nous, confrère, nous la tenons notre revanche sur "Le Bal des maudits".

- Francis, Francis, ça va ? tu m'as fait peur ! 
- ben c'est rien Blanche, je me suis empêtré dans la nappe au moment de la mettre sur le fil à linge et le petit du voisin m'a pris pour un revenant. 
- et ?
- il m'a menacé de m'envoyer au phare des Sanguinaires rejoindre son grand-père, tu sais, le dernier gardien.
- et ?
- je me suis endormi ...

"Les rêves ont été créés pour qu'on ne s'ennuie pas pendant le sommeil."
 Pierre Dac



Bonus déposé par Emma en commentaire et qui me semble bien compléter le tableau : CLIC