lundi 27 mai 2013

Défi n°103 : "Je me souviens"

Deux sujets au choix chez Fanfan pour ce défi n°103 des CROQUEURS DE MOTS sous la tutelle cool et confiante de Tricôtine.
Je suis sûre que des aminautes tricoteront des textes divers et inattendus à partir des titres de Tino Rossi, le payse de Fanfan, chanteur-interprète de charme de son état. J'ai eu peur de faire fuir le soleil pour toute cette année en invoquant petit papa noël à la veille du mois de juin.
J'ai donc opté pour la manière de Pérec : "Je me souviens".
A vrai dire, le choix était déjà fait quand j'ai entendu François Morel se souvenir, non seulement de Georges Moustaki qui vient de tirer sa révérence à la grande farce de la vie, mais qui s'est souvenu aussi et a fait dénicher par les archivistes un enregistrement de "Sans la nommer"    ...    en langue corse.

J'ai écrit plein de je me souviens ... au point d'être obligée de faire des tris et des choix. Alors, comme ce dimanche est parait-il "la fête des mères", voici ma petite participation :
  
Je me souviens de la joie dans la maison quand mon père et ma mère, à la fin d'un repas de fête, se mettaient à chanter en chœur le célèbre duo de l'opérette Rose-Marie1 (Chant indien en français)
Je me souviens des étoiles dans les yeux de ma mère lorsqu'elle évoquait la sienne, perdue trop tôt à l'aube de son adolescence.
Je me souviens du voile qui ombrait fugacement ceux d'une de mes tantes lorsque je lui demandais avec la cruauté ingénue de mes sept ans pourquoi elle n'avait pas d'enfant.
Je me souviens de cette autre tante, adorable avec sa nièce de trois pommes, arborant fièrement son célibat en insistant sur le mademoiselle à l'âge où on lui servait du madame par déférence.
Je me souviens de cette réfugiée cambodgienne, me disant la paix que lui procurait la contemplation du fil de l'eau, alors que nous promenions mon dernier-né après la leçon de piano qu'elle venait me donner depuis Paris pour survivre.
Je me souviens du ton atone pour me dire sa vie d'avant, sa mère au pays, son terrible exil.
Je me souviens dans une salle d'attente de l'hôpital des enfants malades, cette mère déroulant délicatement les bandes des tout petits, bien trop petits pieds de sa petite fille , sous l’œil réprobateur du père, jusqu'à la peau cyanosée, à la limite de la nécrose, comme pour témoigner devant le monde ...
Je me souviens que ce n'était pas au début du XXème siècle et en Chine, mais en 1982, en France2.
Je me souviens de cette femme lasse dans le RER, dégustant un yaourt en se servant du couvercle comme d'une cuiller.
Je me souviens, tenant ma toute petite, mon aînée dans les bras pour la première fois, d'avoir oublié les heures précédentes, et même d'avoir oublié que j'avais pensé, au plus fort de cette attente difficile et douloureuse : "mais qu'est-ce que je f... dans cette galère ?"

Rose-Marie, opérette américaine créée à Broadway en 1924
2 voir pieds bandés (article de wikipedia) ou ce dossier - les pieds bandés, fort bien documenté ou celui-ci aux photos saisissantes ou encore cette traduction du témoignage d'une femme médecin chinoise

Pour toi maman qui est dans nos cœurs, pour toi ma fille, pour vous mes fils


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ps, je n'utilise pas twiter mais il parait que depuis jeudi dernier il y a un concours de twits à la manière de Perec