lundi 13 mai 2013

Défi n°102 : "Un humour de tableau"

Défi n°102 des CROQUEURS DE MOTS piloté par notre maitresse d'école Jill Bill :
Thème du défi pour le lundi 13 mai 2013... « Un humour de tableau » Refait au rigolo
Les célèbres glaneuses de Millet
A vous de le faire parler...
Poème, prose, drôle, même sérieux, selon votre cœur Les Croqueurs !
Programmez la voile le 13 mai à 8 heures !

Fantaisie d'après les Glaneuses, de Millet, huile sur toile 1857 (en vignette si-dessous, clic pour l'agrandir), par le peintre grafeur Bansky





Approches, Jill, ce que j'ai à te raconter est confidentiel. chut hein, promis, tu ne cafte pas .
Il était une fois, il y a ... presque cinquante ans, une toute jeune fille timide et mortifiée attendait pleine de trac son tour pour son dernier oral de BEPC. Celui d'anglais ne s'était pas aussi bien passé que ce qu'elle en attendait. Elle s'en tirait avec un petit 11.
Mais comment faire comprendre à un monsieur, fan de trains à vapeur et de français académique, que ce n'était pas le mot anglais de tender qui lui avait posé question, mais le mot français dont elle ignorait l'existence et qu'il voulait à tout prix lui faire dire. On disait tender ici aussi quoi d'autre ?

Te souviens-tu, Jill, tu m'as fait part que tu n'étais "Pas fan de Vincent".  Et même que je t'avais répondu :
"C'est le diversité des goûts qui fait avancer l'art. J'aime la peinture de van Gogh pour des raisons d'enfance et parce que j'aime sa façon de transformer sans transformer et de sublimer les couleurs."
Et je pensais à ces jaunes orangés, à ses bleus, à ses verts ...

Dis, Jill, ce n'est pas ta fumée de cigarette qui a assombri le "remake" de Vincent, des fois ? Regardes ! Elles tournent le dos à la voie de chemin de fer. Un train vient sans doute de passer entre l'Oise et la falaise. Moi qui te vantais les couleurs de Vincent !

Femmes aux champs, de Vincent van Gogh, d'après les glaneuses, de Millet

 La toute jeune fille est entrée dans la salle de classe. Un quart d'heure pour préparer l'épreuve, un quart d'heure d'oral. Le texte support parlait de l'art sous le IIIe Reich de l'Allemagne nazie.
Elle s'était attendue à un vieux barbon grincheux mais l'examinatrice était jeune et plutôt jolie, de quoi lui redonner un peu de confiance. Wagner et sa récupération par Hitler, la photo et le cinéma comme outil de propagande, l'utilisation des compétences des prisonniers pour des séances récréatives dans les stalags, elle avait de quoi alimenter une discussion sur le sujet ...
C'est le vocabulaire qui lui manquerait. Il faut avouer qu'ils en savaient plus sur le nom des fées, des elfes et autre peuple de légendes que le nécessaire pour soutenir une conversation courante ou pour disserter sur l'art sous un dictateur.
La candidate a résumé maladrotiement le sens général du texte, décliné les arts : musique, théâtre, cinéma, peinture ...
Une question, évidemment en allemand, lui demandant de citer des peintres, un peintre. (Ne me demande pas de traduire Jill, il y a longtemps que je n'en suis plus capable).
Blanc.
Elle aimait bien la peinture, la petite jeune fille. Elles feuilletait des revues d'art et des livres de reproductions quand elle le pouvait. Elle était même allée au musée. Mais là, de but en blanc, aucun nom ne lui venait. Vite, vite dire quelque chose, n'importe qui, ne pas laisser ce silence. (dire Paul Klee ... , non, je ne le connais pas assez).
Fermer les yeux pour s'évader dans une allée bordée de cyprès, par une nuit étoilée ...
Van Gogh, ... euch ich liebe,... nein ...euh, ... ich möge, ich lieber möge Van Gogh.

Mauvaise pioche ! cette créature sortie d'une couverture glacée de magazine s'est engoufrée dans sa proposition pour lui décliner, évidemment en allemand, en gros et en détails les raisons pour lesquelles elle n'aimait pas la peinture de Van Gogh.
Faire profil bas, opiner du chef, acquiescer du bout des lèvres d'un ya quand elle avait envie de dire que si, mais si ! un cyprès, un peuplier, pouvaient être tordus par un vent d'orage, que les couleurs y éclataient alors dans la lumière luisante de pluie ...
Le quart d'heure était passé. Elle n'avait pas pu placer un mot, même en français.
Dire aufwiedersehen mademoiselle, sortir tranquillement, sobrement, comme si de rien n'était. Partir le plus loin possible hors de vue des censeurs. Laisser enfin crever le fou rire qu'elle réprimait depuis que l'examinatrice lui avait dit sa note.
Très bien mademoiselle, je vous remercie. Vous aurez 14.