lundi 5 mars 2012

Défi n°76 : au pied de la lettre

le gouvernail des CROQUEURS DE MOTS est tenu par Lilou-fredotte pour le défi n°76 qui nous invite à inventer une histoire en prenant littéralement une ou plusieurs expressions connues au pied de la lettre.

Debout pendant des heures en plein soleil, il faisait dix pas dans un sens, un demi-tour impeccable, dix pas dans l'autre, devant des touristes qui se bousculaient pour apercevoir le palais.

Puis il s'immobilisait pendant les minutes réglementaires, complètement figé sans remuer le moindre sourcil. 

On le congratulait sur sa bonne mine, sur sa belle prestance. S'ils avaient su !
Pour tenir pendant tout son service sans s'effondrer, il avait appris à dormir debout, par petites tranches de quarante secondes. Du moins quand aucun garnement n'en profitait pour tirer sur sa moustache, histoire de vérifier qu'elle était vraie.

Sous cette canicule, il déplorait d'avoir la tête près du bonnet, beaucoup trop près ! Il en était presqu'à regretter l'époque de son enfance où on l'envoyait respirer le bon air des vacances en famille d'accueil.

Il battait la campagne pleine d'épis avec un simple fléau, le pépé refusant toute modernité. Les voisins s'organisaient pour faire venir une moissonneuse-batteuse. Mais le pépé, lui, continuait à tracter une antique moissonneuse avec un cheval, et les gamins comme lui suivaient à pied en battant les céréales à grands coups de balanciers synchronisés.

Comme il était fluet et gaucher, et qu'il lui était impossible de rompre la cadence, de temps en temps il passait l'arme à gauche pour reposer son bras droit en veillant à ne pas l'emmêler avec celle d'un camarade.

Un jour, ce fut la catastrophe ! Le raffut qu'ils firent effrayèrent les habitants des terriers du champ et ils virent même courir deux lièvres à la fois.

Le paysan, braconnier sur les bords, oublia la cause de cette aubaine et donna l'ordre d’attraper les garennes. Les lièvres, champions de la course, eurent raison de leurs poursuivants.

Déçus ? j'en profite pour vous faire une confidence, je crains bien que la tortue ne se soit vantée à La Fontaine. Pourquoi l'a-t-il cru restera un mystère !

Il était arrivé à saisir un autre animal et il fut très fier de poser un lapin au pied de son hôte d'accueil.

Celui-ci n'avait pas oublié l'origine de ce remue-ménage et il était bien décidé à sévir.

Pendant qu'un gamin frondeur, sous l’œil attendri et indulgent de parents, s'amuse à lui chatouiller la joue avec sa moustache, pendant qu'il endure sans ciller cet agacement, pendant qu'il refrène une furieuse envie d'envoyer promener ce petit effronté qui le met au supplice, il se rappelle de la douleur ressentie à chaque fois que la badine s'abattait sur son dos, pendant les quatre-cents coups du châtiment reçu ce soir-là.

Il se rappelait tout cela dans ses yeux qui semblaient vides sous le soleil ardent, pendant qu'il maudissait le sans gêne et le laxisme de ces parents plus que le geste ignorant du gamin sans repère.

Et il songeait à ce qu'il écrivait invariablement au pied de la lettre hebdomadaire à ses parents pour ne pas les alarmer
"Merci mes chers parents pour ces merveilleuses vacances que je passe grâce à vous,
Je vous embrasse tendrement, votre fils qui vous aime"


Allez, j'exagère, je ne sais pas maintenant, mais en 1964, il y avait aussi des parents qui n'obéissaient pas à leurs enfants, même au prix de quelques larmes