J'avais une autre "intention" pour ce défi, mais une jolie nouvelle pleine de promesses et d'inconnu est parvenue dans ma boite à courriels que j'ai découvert le vendredi matin.
Je dédie donc, une nouvelle fois ce poème écrit en 2007, à l'"attention" cette fois de la nouvelle venue, toute menue, toute neuve dans ce monde inconnu d'elle et de ses parents.
Le jour de sa naissance, à l'heure où elle avait peut-être une demi-heure ou une heure, je faisais quelque chose de tout à fait inhabituel pour moi. Un moment de grâce.
Je dégustais (plutôt que je relisais) "Le sel de la vie", de Françoise Héritier, assise sur un banc face à Seine, relevant la tête pour voir passer dans le soleil rasant les vedettes de croisière et le coche d'eau.
J'attendais l'heure où j'apercevrais devant le théâtre ma fille pour voir le spectacle de Leonore chaix et Flor Lurienne,"Deshabillez mots", qui se joue maintenant au studio des Champs Elysées.
Humaine, rien qu’humaine
Enfant de quelque part, enfant de nulle part
D’ici et de partout, d’un hameau, d’une maison
D’une région, d’une nation parmi près de deux cents
Sur l’infime poussière d’un brumeux univers.
Enfant né de l’union d’une femme et d’un homme
Dans leurs corps généreux d’un amour véritable,
Tu es un pont reliant les futurs au passé
A moins que ce ne soit les passés au futur.
Enfant de rien, enfant de tous,
Enfant de tout, enfant du vent
De la pluie, du soleil, de la nuit, de la vie.
Différent et semblable, tu te crois donc l’unique
Sic six autres milliards d’humains à l’identique.
Tu es la recombinaison toujours recommencée
De milliards de cellules, d’atomes, de photons
Ces milliards de milliards d’ondes qui te recréent
Et des grains de lumière qui fondent ton image,
Qui te sont inconnus, étrangers ou masqués,
Et pourtant familiers dans tes plis mémoriaux
Effleurant dans tes rêves et dans tes émotions,
Arrivant incongrus de la nuit de nos temps,
Allant vers l’autre fin des horizons lointains,
Fin certes provisoire comme la porte fermée
Par l’huis clos et borné toujours reverrouillé
De l’humaine tant humaine arrogante ignorance.
Comme Socrate et Spinoza, Galilée ou Mani
Ou Giordano Bruno sages inécoutés,
Ces sages conspués ou bannis ou tués
Au nom de certitudes dérisoires, éphémères.
Enfant tu es surtout, enfant tu es seulement
L’humain que tu deviens constant et volatile.
Ces milliards de milliards de recombinaisons
Te déterminent ainsi, à l’instant et demain
En apparence Même et pourtant déjà Autre.
Leur multitude mime au détour du conscient
L’aléa du hasard ou la nécessité
La prédestination de tant de religions
Ou l’illusion féconde de la liberté
Humble humain re-naissant de l’enfant re-créé
Il n’est pas d’autre choix que ce chemin suivi
Dans un passé fini qui t’échappe à jamais.
Le comprendre en effet peut éclairer la route
L’assumer, un combat redoutable sans doute
Et pourtant prometteur d’un fardeau moins pesant
Pour regarder, sans plus se retourner, devant
Debout digne et serein comme lavé à grands seaux
De tous ces vains chagrins, de ces mauvais procès
Assombrissant ta vie et taclant ta santé
Et ce qui te relie aux autres en nourrissant
Ton nectar, ton suc, ta substance de vie.
Vas, vis, respire, aime et enfin partage
La liberté fondamentale de l’évidence,
Dans cette immensité de l’espace et du temps
Ta plus proche compagne, ton ami exigeant
L’alliée infaillible de ton humanité
Qui loin de t’isoler te relie aux vivants :
Essentielle et féconde, infinie Solitude.
Jeanne Fadosi, janvier 2007, version du 23 février 2007
Ecrit alors en l’honneur de la naissance d'une petite fille en janvier de cette année-là et de sa maman qui avait eu la gentillesse de me faire part de son bonheur.
Je dédiais ce poème, je le dédie toujours, à tous ceux que j’aime, à tous ceux qui s’aiment, à tous ceux qui attendent une parcelle de gentillesse, aux enfants de Don Quichotte, à l’inconnu qui a souri, au malade qui s’oublie, à celui qui a faim, à celui qui a mal, à celui qui rayonne et qui par son action, fait reculer l’injustice et la cruauté, bataille toujours recommencée.
Je n'osais pas (mais je le pourrais, si j’osais, on me l'a dit), le dédier à Aimé Césaire, qui avait quitté cette vie le 17 avril 2008 à l’âge vénérable de 94 ans et qu’un adulte lucide et généreux m’a fait découvrir dans la foulée de ma lecture de « La case de l’oncle Tom » (ne riez pas, j’avais 9 ans) et à qui je dois avec d’autres auteurs, d’avoir pressenti, dans l’humain, l’universel, à travers son essentielle singularité et ses racines locales, sans peur et sans rejet de l’autre, sans haine, mais pas sans colère ou révolte.