Avis : J'ai différé la publication de ce billet pour un billet d'humeur paru ce matin. qui n'est pas sans rapport avec le propos du jour.
La flotille est parée à voguer loin des écueils vers notre nouveau cap : Notre Terre de légende. Avec une telle destination, nos coquilles vont investir toutes criques de la terre, tous les astres de l'univers ...
Justement, en ce moment, mes nuits sont occupées à consolider la merveilleuse réussite de Shéhérazade, dont l'une de mes tâches est d'en être l'ange gardien.
Oh, je vous demande pardon ! Je ne me suis pas présentée. Jeanne Fadosi, alias Janfadazade. Vous me connaissez en tant que scribouilleuse bénévole de ce blog. Dans mes sommeils nocturnes, j'ai maintenant la fonction de ange multi-tâches. Dans mes vies antérieures j'étais ange gardien et à l'occasion je prêtais mes ailes à une tâche plus délicate, mais ces diversions étaient ponctuelles.
Depuis le milieu du XXième siècle, l'explosion démographique d'un côté, l'engouement des financiers des Dieux pour le management au service de leurs gains d'un autre côté, ... On nous a de plus en plus demandé de faire de plus en plus ... sans contrepartie. Je suis sur les rotules et j'en ai les ailes brisées ...
Alors voilà, samedi, c'est le grand soir ! et je prépare cette pige pour vous transmettre mes premières impressions.
Pensez donc, c'est la millième ! Oui, la millième nuit de légendes. Une nuit sur deux, plus souvent quand mon emploi du temps me le permet, je la remplace pour qu'elle se ménage. La pauvre a besoin de toute son énergie, de toute son éloquence, de toute son intelligence, pour suspendre la sentence que le Sultan son époux a déjà exécuté tant de fois.
Mille nuits moins une que le sultan lui demande de revenir la nuit suivante afin de connaître la suite de l'histoire. Oups, je suis déjà en retard. Je file vers les palais du Sultan. Heureusement que Mélusine a bien voulu me prêter son balai. Il fonctionne à l'énergie orageuse, (à ne pas confier à n'importe qui) plus rapide que le vent des tapis. Plus discret aussi.
- Enfin ! Janfadazade ! Je commençais à paniquer; La dernière nuit a été riche en leçons mais je suis épuisée. Je me demandais quand tu allais arriver !
- Bonsoir, Shéhérazade ! Tu sais bien que je ne t'aurais pas laissé tomber. Surtout pas une nuit comme celle-ci. Tu te rends compte, mille jours de sursis dans le couloir de la mort, à distiller la sagesse dans ces contes, à préparer ta grâce définitive. Alors, as tu fini l'Histoire des deux sœurs jalouses de leur cadette ? J'espère que non.
- J'ai bien failli. Les financiers aiment bien les chiffres qui se terminent par des 9. Il parait que leur montant en parait moindre. Mais moi, tu le sais bien, je n'aime pas ces conseillers financiers et j'ai fini par deviner que le Sultan n'était pas insensible aux mises en garde discrètement glissées dans les contes ...
Mais le sultan m'a fait conter toute la nuit et j'ai bien peur qu'il ne reste plus de matière que pour une nuit ou deux.
- Scéhérie, je vais broder afin que tu puisse en terminer le récit la nuit de dimanche. Dis-moi seulement où le récit en est.
- Eh bien, le Sultan a reçu les princes, leur a trouvé toutes les qualités et a accepté de leur rendre visite ainsi qu'à leur sœur dans leur campagne. Entre nous soit-dit cher ange, je ne vois toujours pas pourquoi cette quête de ces trois objets aussi luxueux qu'inutiles. Et puis, de l'eau d'or, un arbre chantant, un oiseau esclave, ce n'est pas très moral ! Tu connais mes réticences à décrire ces mœurs des puissants, si éloignées des mœurs quotidiennes du temps. Quel besoin avaient-ils de vouloir les imiter dans leurs vaines voluptés. Il leur suffisait dans avoir appris le meilleur !
Ma Shéhérazade, je reconnais bien là ton grand cœur et ta soif d'absolu. Les contes que nous avons élaboré ensemble, avec ta sœur Dinarzade aussi, n'oublions pas toutes ses suggestions si judicieuses ..., sont plein de propos édifiants. Mais sans cet enrobage propre à intéresser ceux qui sont à convaincre, tu aurais depuis longtemps lassé le Sultan sur un chemin par trop dépaysant. Pour l'amener à plus de sagesse, il faut ne pas l'effaroucher. Du tact, de la patience, quelques concessions, sinon, tu ne convaincras que celles et ceux qui sont déjà convaincus.
Image du domaine public emprunté à l'article, wikipedia - miniatures persanes
C'est l'heure, à demain, à l'aube ... Désolée chers lectrices et lecteurs, au-delà de cette porte, ce qui s'y raconte est confidentiel.
Mais vous pouvez retrouver ce dernier conte des mille et une nuits dans la traduction qu'en a fait Antoine Galland de 1704 à 1715 à partir de manuscrits ramené d'Alep, datant du XIVième siècle. L'origine de cette oeuvre chorale est bien plus ancienne (au moins avant le Xième siècle) mais le texte arabe n'en a été imprimé pour la première fois qu'en 1814 à Calcutta.
Mais vous pouvez retrouver ce dernier conte des mille et une nuits dans la traduction qu'en a fait Antoine Galland de 1704 à 1715 à partir de manuscrits ramené d'Alep, datant du XIVième siècle. L'origine de cette oeuvre chorale est bien plus ancienne (au moins avant le Xième siècle) mais le texte arabe n'en a été imprimé pour la première fois qu'en 1814 à Calcutta.
J'en ai gardé l'édition 1965, texte intégral en trois tomes dans la collection Classiques Garnier-Flammarion.
La référence en est le fonds arabe de la Bibliothèque Nationale, 3609, 3610, 3611 selon l'introduction de 1965 : Il est possible que la cote en est été modifiée.
La référence en est le fonds arabe de la Bibliothèque Nationale, 3609, 3610, 3611 selon l'introduction de 1965 : Il est possible que la cote en est été modifiée.
Dimanche, à l'aube, après une nuit de récitation, Shéhérazade m'attend avec fébrilité :
- Le conte est presque achevé, j'ai laissé le Sultan du conte s'extasier du concombre farci aux perles et le Sultan de ta couche est suspendu aux paroles que va lui dire l'oiseau en cage. Il ne lui restera plus qu'à passer de la légende à la réalité et de te faire grâce ...
- Et s'il n'est pas bien disposé, s'il me faut commencer un autre conte ...
- Je serais bien étonnée si tu y étais obligée. En ce cas, Envoie la belle princesse au bord de la mer de Marmara. Tu feras embarquer le beau Paris afin que ces deux-là se rencontrent. Tu pourras alors enchaîner sur l'iliade et l'odyssée.
- Oh non ! Pas l'iliade !
- Rassures-toi ma chère sultane, j'ai la conviction que "La guerre de Troie n'aura pas lieu*" Et de toutes façons, c'est surtout l'odyssée sur laquelle j'ai des tuyaux grâce à l'ange gardien de Pénélope, le femme d'Ulysse, pas la chanteuse.
- Tu ne crois pas que le Sultan voudra entendre des histoires persanes ?
- Ecoute, il est presque sûr que tu n'auras plus besoin de te produire ainsi toutes les nuits, mais après les Mille et une nuits, il vaudrait mieux l'embarquer dans une autre Grande oeuvre de référence. Entre deux, tu ne manqueras pas de textes. Figures-toi que la traduction de Galland a fait redécouvrir les civilisations indo-persanes et arabes. Le XVIIIième siècle, celui de Lumières a abondé dans ces fantaisies à la mode de et si tu veux, tu n'auras que l'embarras du choix et bien au-delà.
Voltaire avec son Candide et son Zadig, Montesquieu avec ses Lettres persanes !
Si, comme je le pressens, tes récits demandent bientôt plus de volupté, tu pourras puiser à des traductions moins édulcorées des Mille et une nuits ou déclamer au Sultan des poèmes de Baudelaire ou de Gérard de Nerval !
- A ce soir pour t'encourager en coulisses et je reviendrai lundi matin comme d'habitude ... Zen, ma belle, zen, les petites graines de sagesse sont en train de lever. Il ne leur manque plus que de fleurir !
* La guerre de Troie n'aura pas lieu, pièce de Jean Giraudoux, 1935, réflexion visionnaire et lucide d'un écrivain pacifiste mais qui sait, avec la montée des fascismes et l'entêtement des hommes, sait la guerre inévitable.
Lundi, 8 heures du matin, temps universel.
Flash spécial :
Le Sultan, et par voie de conséquence, la Sultane, m'ont donné l'autorisation exceptionnelle de publier le communiqué suivant qui porte à votre connaissance sa déclaration à Shéhérazade à la fin de cette ultime nuit.
"Je vois bien, aimable Shéhérazade, que vous êtes inépuisable dans vos petits contes : il y a assez longtemps que vous m'en divertissez ; vous avez apaisé ma colère, et je renonce volontiers, en votre faveur, à la loi cruelle que je m'étais imposée ; je vous remets entièrement dans mes bonnes grâces, et je veux que vous soyez regardée comme la libératrice de toutes ces filles qui devaient être immolées à mon juste ressentiment."
Tome 3 de l'édition 1965 classiques Garnier-Flamarion des Mille et une nuits, page 433 (avant dernier paragraphe)
Dis-moi, Janfadazade, tu vas publier ce flash sans commentaire ?
- Oui que voudrais-tu y ajouter sans déroger à la déférence que tu dois à ton Sultan ?
- Ben quand même, il se donne le beau rôle. Et je ne suis toujours pas d'accord avec la légitimité de son ressentiment !
- Je vois où tu veux en venir, c'est un tout petit pas vers une plus grande humanité. Et qui connaîtra dans les siècles et les siècles bien des reculades. Un petit pas fragile, à soutenir, encore et encore. Grâce à de belles âmes comme toi.