~ Billet 499 ~
rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo, violet.
Les Croqueurs de mots, avec à la barre, anni, pour le défi n°33, nous emmènent en vacances arc-en-ciel, pour donner à voir de toutes les couleurs.
J'avais le projet de vous relater une rencontre singulière de lointaines vacances, mais les contingences du quotidien ont déjà bien entamé ma journée. Aurai-je le temps d'aller jusqu'au bout ? Rien n'est moins sûr.
L'été
1970 avait commencé avec son lot de péripéties plus ou moins
éreintantes. Le mot stress ne faisait pas encore partie du
vocabulaire ambiant, mais si je l'avais connu, je l'aurais bien
volontiers emprunté pour qualifier ce que nous venions de vivre. Ma
sœur Lil plus que moi encore (non pas Jacotte, une autre de mes
sœurs) était bien cabossée et je lui avais proposé de partir se
mettre au vert dans
ma 4L blanche à nouveau fringante.
Se
promener au bord des torrents, se baigner dans l'eau du lac d'un bleu
changeant,
comme pour satisfaire toute la palette d'un peintre qui aurait posé
là son chevalet. ...
Le
soir habillait les montagnes de rose et de violet.
Ce n'était pas le hasard qui avait nommé le sommet du lieu le Mont
Rose. Et même la nuit, qui tombait plus tôt en août, faisait de
son écrin indigo ruisseler
le jaune pâle
des étoiles filantes.
Fenêtres
et balcons s'égayaient sous le géraniums du même rouge et
blanc que ceux du drapeau suisse, ce drapeau qui, dans ce que j'en
avais appris en Histoire, symbolisait une neutralité qui avait
traversé les conflits du vingtième siècle la tête haute.
Une
telle rencontre ne pouvait avoir lieu qu'ici. Dans cette pension de
famille accueillante où l'hôtesse organisait l'espace de la salle à
manger en réunissant les pensionnaires par tables de quatre ou six.
C'est ainsi que nous avions fait connaissance d'un vieux couple
d'Allemands venus par la train. Madame B avait un accent campagnard
très prononcé que je ne comprenais absolument pas mais Monsieur
Erich B parlait distinctement et assez lentement pour que nous
puissions, repas après repas, dialoguer davantage. Ils avaient même
accepté avec grand plaisir notre proposition de les emmener faire
quelques excursions, puisqu'ils n'étaient pas motorisés sur place.
C'est
ainsi que la veille de leur départ, tandis que le soir éclairait la
nappe blanche de sa lumière orange,
le vieux monsieur, les yeux embués de larmes, choisit
méticuleusement ses mots pour nous dire sa honte d'avoir été
allemand et adulte pendant toutes ces horreurs, me dire que le
passé ne pouvait pas s'effacer, et nous demander, en leur nom et au
nom de beaucoup d'allemands du moins le pensait-il
pardon
Sa
femme est décédée quelques années après, mais j'ai pu
correspondre avec ce monsieur environ deux à trois fois par an
jusqu'à son extrême vieillesse pendant plus de vingt cinq ans
encore.
Aucun commentaire:
La publication de nouveaux commentaires n'est pas autorisée.