~ Billet 476 ~
Ce n'est pas sans malice que j'ai choisi ce titre pour le défi n°32 des Croqueurs de mots, à programmer pour le lundi 28 juin à 8 heures du matin.
A la barre de notre coque de noix lourdement chargée, la vigilante Nounedeb
Il est presque neuf heures en ce matin clair d'une journée d'automne qui s'annonce douce, comme il est fréquent sur Ré la blanche en cette époque de l'année.
J'ai, depuis quelque temps déjà, programmé ce reportage hors temps, et vais d'un pas ferme et décidé le long du chemin de grève. Je les retrouverai bientôt sur la plage où nous avons pris rendez-vous.
Je vérifie encore une fois que ma caméra est prête à capter ces petits moments de connivence.
Elle est déjà là en effet, la vieille dame de la maison de retraite, dans son vieux sur-vêtement blanc où son corps semble flotter, à peine essoufflée.
Elle a ralenti sur le chemin de grève, trop sableux et plein de chausse-trappes pour ses chevilles instables, mais a rejoint le bord de mer en petites foulées, trottinées certes, mais tout de même !
Elle attend ses visiteurs en faisant des assouplissements que ma petite trentaine de femme active n'arriverait tout bonnement pas à exécuter.
Soudain, les buissons s'animent comme une ruche agacée. Ils avancent en bavardant gaiement, sagement rangés par deux en direction de la mer, encadrés par leur maîtresse et l'assistante d'éducation. Leur institutrice est fière à juste titre de ces rencontres impromptues, devenues au fil du temps des rendez-vous que les bambins attendent avec gourmandise. Quoi de plus motivant que ces exercices que cette ancienne professeur d'éducation physique persiste à intituler culture physique.
Mon job est de faire un article de cette rencontre si riche de partage entre ces générations. Ils progressent plus vite que moi car je guette mon angle de prise de vue, tout en me faisant la plus discrète possible afin de capter leur joyeuse spontanéité.
Elle leur offre son temps, sa compétence, son enthousiasme presque intact. Ils lui offrent la candeur de leurs quatre ou cinq ans, leur appétit de vivre ...
Les premiers s'arrêtent net, provoquant une bousculade qui aurait pu entraîner quelques chutes sans la rapidité d'intervention des adultes. Les premiers rangs semblent pétrifiés.
Par quoi ?
Mon téléphone portable résonne dans l'air vide, et la sonnerie porte jusqu'au groupe, surpris de ma présence.
C'est mon rédacteur en chef qui m'apprend ce que je ne distingue pas encore.
- La première sur place, tu comprends bien que ton sujet passe au second plan. Un jeune journaliste n'a pas tous les jours l'occasion d'un scoop comme celui-ci. Pense à ta carrière ...
Quoi ? quel scoop ?
Dans la baie, le nez dressé vers le ciel narquois, il est venu là, s'échouer dans les hauts fonds, comme un animal blessé.
Et moi qui voulait interroger la vieille dame sur les avancées sociales et éducatives qu’elle avait vécues depuis le début de sa carrière ! Mon billet de retour ne me permettrait pas d'exploiter les deux sujets. Et si je reportais mon départ ?
Si c'était important aussi, ce que pensaient les enfants de ce qu'ils voyaient là, les yeux écarquillés, sans bien comprendre .
Plus tard, ce sera les vacances de la Toussaint et la plage s'animera de la curiosité des badauds.
photo en licence Creative commons trouvée sur la page Rokia Delmas de wikipedia , auteur Didier Duforest, 29/10/2006
pour en savoir plus voir aussi l'échouage du Rokia Delmas
Pour ceux qui croiraient cette histoire vraie, un clin d’œil à une dame qui continue à faire sa gymnastique certes, le cargo (le Rokia Delmas) hélas échoué près de La Couarde en octobre 2006, pour le reste, j'ai laissé libre cours à mon imagination.
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