jeudi 13 novembre 2014

Je témoigne que le soldat ..., de Jules Romains

Réédition : première parution 18/05/2012 11:00

C'est le premier vers d'un poème de Jules Romains qu'Emma m'a envoyé hier par courriel en écho à la chanson que j'ai mise en ligne pour le jeudi en poésie.

Etats d'âme ...
Mon premier élan a été de le publier pour le faire partager sur la Toile.

En même temps j'essayais de me souvenir pourquoi je connaissais le nom mais pas l'oeuvre de Jules  Romains.
En fait, j'ai lu Les copains* (roman de 1913) et j'ai vu Knock ou le triomphe de la médecine (pièce de théâtre de 1923) (au théâtre avec les tournées Baret et à la télévision dans le film avec Louis Jouvet)

Son pacifisme, (louable et que je partage quand c'est possible), associé à une posture de critique acerbe et savoureuse des moeurs de son temps, mais sans recul sur ce qui était proposé à la place, l'ont conduit à des aveuglements quand d'autres intellectuels dénonçaient ce qui se préparait dans l'Europe des années 1930 ou quand, ayant par la suite glissé vers un conservatisme (au sens strict de "c'était mieux dans le temps"), il continuait à camper sur des positions colonialistes (et élitistes) dans les années 1950.

Il est dommage que ces errements aient éclipsé l'oeuvre.

Je témoigne que le soldat
Qui vient de reposer son verre
Ne veut pas entrer dans la gare
Ne veut pas monter dans le train

Il ne veut pas qu’un wagon morne
Le bouscule dans la nuit ; 
Il ne veut pas qu’on le réveille
Sous un hangar plein de caissons.


Il ne veut pas d’un tas de paille
Dans la masure bombardée,
Ni de l’encoignure de glaise
Qui se dérobe sous les reins.

……

Ce qu’il veut à en défaillir,
A s’en laisser crouler par terre,
C’est être chez lui, ce soir même,
Chez lui, dans la pièce du fond.


Il veut mettre sa vieille veste,
Il veut s’asseoir dans le fauteuil 
Qu’on a poussé vers la fenêtre, 
S’asseoir, les jambes allongées..


Il veut entendre un pas dans l’ombre,
Un meuble qui craque, une voix, 
Un roulement rieur de bille 
Qui va se perdre sous l’armoire…

….
Jules Romains, 1928, chant des dix années 

voir le poème en son entier sur le blog d'Emma Les arbres temoignent

* Ce roman a été porté au cinéma par Yves Robert (le réalisateur de La guerre des boutons) en 1965 avec Philippe Noiret, Guy Bedos, Jacques Balutin, Pierre Mondy, Claude Rich, Christian Marin, Michael Lonsdale ...
Le film est à l'origine de l'une des chansons de Georges Brassens, Les copains d'abord.
Nouvelle illustration reçue par courriel le 11/11/14 (2014) ce devait être la "der des der". avec ce commentaire : "aujourd'hui on déploie les drapeaux ..."

Monument aux morts de Putanges-Pont-Ecrepin, F-61, détail, toussaint 2014 (cliché de mon frère)

à l'intention d'Ombre et lumière pour l'hommage aux soldats de 14-18

rappel de l'illustration d'origine de ce billet