jeudi 31 janvier 2013

Dans la neige du soir ... pour Mil et Une

J'ai rafraîchi un texte écrit en décembre 2010 pour la quinzaine de Mil et Une sur un tableau de Frits Thaulow
Une image est proposée chaque quinzaine, sur laquelle nous proposons un ou plusieurs textes.
Le texte initial racontait ce qui s'était passé. J'ai juste remplacé le but de mon déplacement. 
  
Dans la neige du soir ...

Ce soir, je vais vers le village à pied, bien chaussée dans mes bottes fourrées.
Je prends l'allée contre le vent. La neige encapuchonne les ornières et le sol dur fait un appui praticable. Au loin deux cavaliers rentrent leurs montures au pré. Le soir et l'ombre tombent sur la campagne apaisée. La nature apprivoisée, au cœur des habitations ...

Quelque chose m'a fait tourner la tête sur ma gauche ! Des pattes fluettes se débattent vainement dans l'air.

La pauvre bête roule doucement du flanc au dos. Mon regard a croisé son regard. L'agitation a cessé. Crainte de l'odeur humaine ? Espoir d'un sauvetage ? Je crois voir les deux dans ce regard plaintif, craintif, je ne sais. Que faire ? Héler les cavaliers là-bas. Ce sont des cavalières. qui comprennent à mon troisième appel. Qui viennent. Elles ont l'habitude des chevaux, aiment les animaux. L'une d'elles rassure la bête. Elle ne saigne pas mais a sans doute quelque chose de cassé.

Une voiture se gare de l'autre côté, et semble chercher. Je lui fais signe, quelle chance qu'il arrive justement là. Mais ce n'est pas un hasard. On a déjà donné l'alerte et il cherchait à localiser le petit animal.
Peut-être même le conducteur ou la conductrice, surpris(e) par son irruption, et qui n'a pas eu d'autre choix que de le heurter, sauf à aller dans le décor sur la rue incertaine.
Il va l'emmener vers le garde forestier. Pourra-ton sauver ce faon, dont on voit le début des bois pointer pour le printemps prochain ?
Est-il trop blessé pour être sauvé ?
Monsieur V ne le sait pas. Mais je sais qu'il fera au mieux avec le garde et le vétérinaire.
Je continue vers la bibliothèque. Le conteur parle du Bois d'où a surgi le faon, des époques où Mélusine et Merlin veillaient encore sur les rois chevelus et sur les manants …
Ce soir, une biche peut-être pleurera son faon.
Jeanne fadosi, édition modifiée pour Mil et Une
première édition, 6 décembre 2010, sous le titre Un faon dans la neige


huile sur toile de Frits Thaulow, 1887, National gallery de Norvège
source wikimedia, domaine public, clic sur l'image pour accéder à ses informations

Le ver luisant, de Maurice Rollinat

Défi n°95 chez Lénaïg pour les CROQUEURS DE MOTS sous le signe du vent et du petit et du grand en poésie.

Il est un poète juste connu pour charmer les petits écoliers francophones avec un seul poème.
Si je vous murmure :
"La biche brâme au clair de lune ...

vous enchaînerez sans doute :
"Et pleure à s'en fondre les yeux ...

Je l'avais mis en ligne ICI pour faire suite à une anecdote racontée et que j'ai dépoussiéré avec quelques retouches pour MiletUne ces jours-ci.

Et pourtant, Maurice Rollinat est un poète qui me semble mériter une place bien plus grande que celle qu'il a eu de son vivant et maintenant. 
Je n'ai pour illustrer petit et inouï, que l'embarras du choix dans son oeuvre abondante. Et j'ai hésité :
La petite couturière ; La petite gardeuse d'oies ; Les petits taureaux ; Le petit coq ; Le petit fantôme ; Le petit chien ; Le feu follet ... Il décrit les gens dans la vie de son temps, plutôt à la campagne, sans donner de leçons. Ses tableaux impressionnistes et réalistes parlent d'eux-mêmes.


LE VER LUISANT


Le petit ver luisant dans l’herbe
S’allume cette fois encor
A la même place ! Le cor
Pleure au loin ; la nuit est superbe.

Au doux âge où l’on est imberbe,
Je l’admirais comme un trésor.
— Le petit ver luisant dans l’herbe
S’allume cette fois encor.

Mais, dira le penseur acerbe :
« Tout ce qui reluit n’est pas or ! »
Moi, je réponds à ce butor,
Que j’aime, en dépit du proverbe,
Le petit ver luisant dans l’herbe.


Maurice Rollinat — Dans les brandes, poèmes et rondels, 1877

Maurice Rollinat, poète, 1846 - 1903
Son oeuvre en ligne sur wikisource


cliché de Herky, licence creativ common, source wikimedia

mercredi 30 janvier 2013

Calypso, fille des flots

Calypso
Jadis fier vaisseau
Elle est à cale sèche
Et se désèche
Toute rouillée
D'avoir mouillé
A quai oubliée

jeudi 24 janvier 2013

El Desdichado, de Gérard de Nerval

Pour le second jeudi en poésie du défi n°94 des CROQUEURS DE MOTSHauteclaire, après nous avoir fait fantasmer à propos de la Femme fatale, nous entraîne dans le sillage du Héros.
Héros mais lequel ? Le surhomme, le brave ou le personnage ?
le cinéma, thème du défi, me renvoie à l'un des premiers films qui m'ont marqué
Mais en poésie, j'ai pensé à ce poème de Gérard de Nerval, que je m'étonne de ne pas avoir déjà mis en ligne.

El Desdichado

Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phoebus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
Gérard de Nerval, Les Filles du feu, Les Chimères, 1854

Gérard de Nerval, 1808 - 1855, écrivain et poète français
Les Filles de feu : recueil de huit nouvelles et de douze sonnets regroupés sous le nom de Les Chimères


cliché d'un sarcophage musée archéologique de Thésalonique :
Orphée parmi les animaux


mercredi 23 janvier 2013

lundi 21 janvier 2013

Défi n°94 : "Silence, on tourne !"

C'est Hauteclaire qui a repris le flambeau à l'étape n°94 pour que lesCROQUEURS DE MOTS voguent vers leur prochaine escale.
Certes, il a fallu éviter la séduction de la femme fatale jeudi dernier et notre capitaine sera sans aucun doute le héros du film dont elle nous suggère gentiment de proposer une suite.

vendredi 18 janvier 2013

Bonus femme fatale en poésie

L'envie de vous faire partager le très beau site que je viens de découvrir concernant
Ondine de Jean Giraudoux

Et pour compléter le billet que je viens de mettre en ligne pour le casse-tête de la semaine : Un plus un ...
ce poème de Huyghens dédié à Ninon de Lenclos que j'ai trouvé sur l'article de wikipedia que j'ai mis en lien
Elle a cinq instruments dont je suis amoureux :
Les deux premiers, ses mains ; les deux autres, ses yeux ;
Pour le plus beau de tous, le cinquième qui reste,
Il faut être fringant et leste.
Christian Huyghens

jeudi en poésie : La sirène, de Philippe de Thaun

jeudi 17 janvier 2013

La sirène, de Philippe de Thaun

Avec Hauteclaire à la barre du défi n°94 des CROQUEURS DE MOTS, le premier jeudi en poésie se met sous l'égide de "la femme fatale".
Alors évidemment il m'est venu tout de suite à l'esprit ces sirènes, non pas la gentille sirène d'Andersen, mes celles des légendes, redoutées des marins, d'Ulysse aux bateliers du Rhin ...
et en premier lieu de la célèbre Lorelei, 
chantée par Guillaume Apollinaire dans Alcools
à relire ou découvrir sur La Loreley - wikisource
écouter Malka Ribowska en archive INA
ou par Heinrich Heine. L'article Lorelei - wikipedia a la bonne idée d'y afficher le poème de Heine avec en parallèle, une traduction littérale et une traduction plus littéraire.

en bonus d'autres "femmes fatales"  
  
La sirène

Sirène la mer hante,
Dans la tempête chante,
Et pleure par beau temps,
Car tel est son talent.
De femme elle a l'allure
Jusques à la ceinture
Et les pieds de faucon
Et la queue d'un poisson.
Quand se veut réjouir,
Haut et clair elle chante .
Et quand  le nautonier
Qui va sur mer l'entend,
Il en oublie sa nef 
Et bientôt il s'endort.
Gardez-en la mémoire, 
Car cela a du sens.

Que sont sirènes ? Sont 
Richesses de ce monde.
La mer montre ce monde, 
La nef : gens qui y sont.
L'âme est le nautonier,
La nef, le corps qui nage.
Sachez que font souvent
Les richesses du monde
Pécher l'âme en son corps :
Nautonier dans sa nef,
L'âme en péché s'endort
Pour ensuite périr.

Sirène est du même être
Chante dans la tempête,
Telle richesse au monde
Aux riches confondue.
C'est chanter en tempête 
Quand un richesse est si maître
Que pour elle on se pend
Et se tue de tourments.

La sirène en beau temps
Pleure et se plaint toujours.
Quand on laisse richesse
Et pour Dieu la méprise,
Lors le ciel est serein
Et la richesse pleure.
Sachez ce que veut dire
Richesse en cette vie.
Philippe de Thaun, Le bestiaire, chapitre 15, vers 1119


Philippe de Thaun, moine et poète, début du XIIe siècle    
Sirène (mythologie)


sirène du portail de la collégiale de Candes Saint-Martin, Indre-et-Loire, XIIIe s
cliché de Daniel Clauzier, licence commoncreative, source wikipedia
clic sur l'image pour informations

mercredi 16 janvier 2013

jeudi 3 janvier 2013

Marquise, de Pierre Corneille

En écho et suite d'un sonnet à Hélène de Ronsard pour le 2nd jeudi en poésie du défi n°93 sur les âges de la vie

Marquise

Marquise, si mon visage 
A quelques traits un peu vieux, 
Souvenez-vous qu'à mon âge 
Vous ne vaudrez guère mieux. 


Le temps aux plus belles choses 
Se plaît à faire un affront, 
Et saura faner vos roses 
Comme il a ridé mon front. 


Le même cours des planètes 
Règle nos jours et nos nuits : 
On m'a vu ce que vous êtes; 
Vous serez ce que je suis. 


Cependant j'ai quelques charmes 
Qui sont assez éclatants 
Pour n'avoir pas trop d'alarmes 
De ces ravages du temps. 


Vous en avez qu'on adore, 
Mais ceux que vous méprisez 
Pourraient bien durer encore 
Quand ceux-là seront usés. 


Ils pourront sauver la gloire 
Des yeux qui me semblent doux, 
Et dans mille ans faire croire 
Ce qu'il me plaira de vous. 


Chez cette race nouvelle, 
Où j'aurai quelque crédit, 
Vous ne passerez pour belle 
Qu'autant que je l'aurai dit. 


Pensez-y, belle Marquise : 
Quoiqu'un grison fasse effroi, 
Il vaut bien qu'on le courtise, 
Quand il est fait comme moi. 
Pierre Corneille, Stances à Marquise

Pierre Corneille, 1606 - 1684, plus connu comme dramaturge que comme poète. toutefois celui-ci est célèbre et plus encore depuis que Georges Brassens l'a mis en musique, avec la conclusion qu'on lui connait, une strophe que Tristan Bernard avait rajouté aux Stances à Marquise, pour les débuts du Canard Enchaîné :

Peut-être que je serai vieille,
Répond Marquise, cependant
J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,
Et je t'emmerde en attendant.
Tristan Bernard, Réponse de Marquise à Corneille

Tristan Bernard, 1866 - 1947, romancier et dramaturge   

Mais peut-être apprécierez-vous de l'entendre sobrement dit par Louis Jouvet ?

Quand vous serez bien vieille, de Pierre de Ronsard

2nd jeudi en poésie des CROQUEURS DE MOTS,
avec votre Jeanne Fadosi à la manœuvre pour Tricôtine
sur le lagon du début de l'an 2013 pour le défi n°93,
et en variation de tous les âges de la vie, en dénominateur commun ...

J'hésitais entre plusieurs poèmes, mais c'est le défi lu chez M'zelle Jeanne qui a emporté ma décision.
J'avais déjà mis ce célèbre poème de Ronsard en septembre 2011 chanté en prime par Lucienne Boyer.

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise aupres du feu, devidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :
Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.

Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Desja sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.

Je seray sous la terre et fantaume sans os :
Par les ombres myrteux je prendray mon repos :
Vous serez au fouyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et vostre fier desdain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dés aujourd'huy les roses de la vie.
Pierre de Ronsard, 1524 - 1585,
Sonnets pour Hélène*, II, 24, publié en 1578


Un poème qui me fait bien sûr penser à un autre, dans la même veine, Marquise, de Pierre Corneille 

mercredi 2 janvier 2013

La résolution de Louisette

Préambule
Jill* et Edgar, partenaires à la scène comme à la ville forment un couple bancal comme tant d'autres. Le soir ils aggravent leur cas en peinant à dérider un public de pièces de boulevard toujours plus blasé et exigeant.