lundi 10 janvier 2011

Défi croqueur n°46 : Signatures

Sur une proposition de Brigitte Giraud. Il va être difficile de relever les défis suivants, notre croqueuse à la barre des CROQUEURS DE MOTS cette quinzaine la met très haut !

Je ne suis pas du tout sûre d'être dans les clous du défi, mais ce soir, juste avant la mise en ligne, après une escapade pour aller voir ma sœur Jacotte et mon beau frère, je ressens une grand lassitude. Alors je vous livre mon brouillon en l'état.

Même à côté du sujet, ce texte n'est pas fini. Il est à reprendre, peut-être le ferai-je plus tard. Pour l'instant, cette visite espérée depuis plus de six mois m'ont distrait quelques heures de la confusion d'émotions et de sentiments dans laquelle me plonge l'actualité. Consternation et colère en effet, et pas seulement envers les auteurs de forfaits abjectes, colère aussi envers l'inconséquence de ceux qui les narguent et les provoquent, mettant au passage en danger ceux qui ont le ces êtres magnifiques qui ont le courage de s'aimer par delà les clôtures, par dessus la barrières dressées de toutes parts, quand il faudrait au contraire s'unir pour faire front et éradiquer la bêtise et la haine.

Ce soir je pense à une jeune femme, veuve avant d'avoir été épouse*.


Qu'as-tu fait de ta vie, toi qui la rêvait tant ;
Toi qui naguère encore interpellait les grands,
Qui osait sans frémir chanter Le Déserteur
Quand on t'avait choisi pour d'autres chants flatteurs.

Déjà tu avais fui dans l'ombre des coulisses
Laissant briller celle qui t'avait fait complice
Loin de la lumière crue des néons de la rampe
Paralysée de trac, désapprouvant la vamp.

Qu'as-tu fait de ta vie, toi qui la vivait tant
Quand fleurissait l'espoir sous un vent de printemps
D'un monde enfin de paix, d'une terre meilleure
Quand sans calcul aucun tu te faisais leader.

Qu'as-tu fait de ta vie, toi qui dans tes enfants
Voyait naître l'envie d'aller vers du bon temps,
Que de mauvais génies ont séparé de toi,
Les privant de ce lien par viles décisions ?

Qu'as-tu fait de ta vie quand, il le fallait bien,
Tu lui tissais un nouveau manteau d'Arlequin ;
Quand dans la vacuité de l'inactivité
La blessure béante ne peut se refermer ?

Qu'as-tu fait de ta vie quand , enfin, effarée,
Tu voyais de belles idées défigurées
Par d'autres profiteurs, par d'autres exploiteurs
Et bien souvent les mêmes, cyniques, la bouche en cœur ?

Qu'as-tu fait de ta vie quand deux fois par semaine
Pour revenir au monde, recluse en ton domaine,
Tu triais des archives dans un placard obscur
A quelques pas d'un de ces stratèges au sang froid ?

Qu'as-tu fait de ta vie quand la vie au travail
T'en montrait le décor dans ses absurdités,
Quand tu ne voulais toujours pas être docile
Petit grain de conscience, restant poil à gratter ?

Que fais-tu de ta vie quand même ta retraite
Est squattée par cet enfant blessé dont la quête
De vie piétine ta précieuse solitude
Dans l'égoïsme aveugle de ses habitudes ?

Que feras-tu de ta vie, de tes ans à finir
Quand en reprendras-tu au moins le gouvernail ?
Pour voir se dissiper la brume de la terre
la haine et les misères, graines de toute guerre ?
Jeanne Fadosi, 8 janvier 2011


* précision à la relecture de ce billet le 30 janvier 2011.
Je faisais allusion la fin tragique d'une prise d'otages alors que l'un des deux jeunes gens était allé voir son ami pour assister à son mariage.
Nous ignorions encore pour quelques jours la formidable effervescence qui allait devenir ce que les médias appelleraient le printemps arabe, car l’événement déclencheur du 17 décembre 2010 n'avait pas été relayé dans nos journaux.