lundi 23 août 2010

Défi n°36 : "Ca n'a pas de sens ..."



Pour le défi n°36 des Croqueurs de mots, mené à la barre du mobilhome à publier pour le lundi 23 août à 8 h

théatre de l'absurde

Une salle toute blanche, éclairée par une grande baie vitrée ouverte sur un parc où l’on devine de grands arbres.

Le gazouillis des oiseaux entre à flots, … le silence total, …, les oiseaux assourdissants, saturant quelques secondes l’espace sonore, le silence …, à nouveau un gazouillis murmuré …

Sur une chaise blanche et froide, une silhouette  bien droite, ou tassée, presque immobile.

Sur le lit immaculé, une autre silhouette, momifiée, pantin entre deux mondes, accrochée à ses tuyaux comme à des ficelles qui la maintiendraient juste en équilibre, au bord du grand vide …

Sur la chaise, la mère, le père, les frères, les sœurs, la mère …

Relais comme un ballet silencieux ou gorgé de sons …

En hauteur, sur une toile géante coupée en deux, tantôt les visages en très gros plan de l’alitée et du visiteur assis, tantôt des plans plus élargis mais restant assez serrés des deux « seconds rôles »

- Demain sera comme hier, hier était comme aujourd’hui … (voix off crevant le silence)

Entre deux bandages, un battement de cils …

Et mille échafaudages de signes …

Sur la chaise, la femme s’est redressée :

- tu veux me faire comprendre quelque chose, ma chérie ?

Le front effleuré d’une main à peine tremblante,
L’ébauche d’un sourire quand renaît l’espoir

Le frémissement d’une paupière …

- oui, c’est bien cela, tu me dis oui ?
Les paupières s’agitent, désarticulées. – Non, tu ne veux pas ?

Immobilité à nouveau.

Non-sens, premier rôle de la pièce, seul volontaire !

Une blouse rose entre dans la chambre.

- Bonjour ! Je suis la dame rose, je visite les enfants …
 Mais ce n’est plus une enfant, je me sauve, au revoir !

La petite dame cassée sur sa chaise a redressé la tête :
- c’est une enfant, c’est mon enfant …

La dame rose quitte la scène. Une équipe de personnes en blanc entrent à leur tour.
Les cils s’immobilisent, les bandages font le mort.

- RAS, état stationnaire, on maintient le traitement, 3 aérosols en plus aujourd’hui. Surveiller les taux de …
Suivez-moi, inutile de s’attarder ici, allons plutôt détailler la rate de la chambre suivante, …

L’aréopage quitte à son tour la scène, sans un regard vers la silhouette assise.

A nouveau la momie frémit, imperceptiblement.
La mère semble moins tassée.
Un fragment de vie réinvestit l’espace.

Dans l’obscurité la salle retient son souffle. Un grand ado costaud essuie furtivement une larme, un monsieur se mouche bruyamment prétextant un rhume des foins …

L’absurde est palpable ….
 Jeanne Fadosi, le 20 août 2010

Comme je ne peux pas me rendre physiquement à son chevet, à cause des obligations qui me retiennent bien malgré moi à la maison, j'imagine ce que doit être cette attente qui dure depuis maintenant ... Je me suis refusée à faire un décompte dès le début. Elle s'installe dans la durée. J'avais fini par poser quelques mots ICI
Si cette scène de théâtre est le produit de mon imaginaire, c'est que je suis profondément par la pensée auprès de cette famille qui fait partie de la mienne et dont le quotidien hélas réel m'a soufflé ce décor, ces mots et ces impressions.

Et je voudrais aussi m'excuser auprès du personnel et des bénévoles qui, bien plus souvent, font preuve d'humanité. J'ai seulement voulu souligner ici les quelques comportements qui ne relèvent pas forcément, eux non plus, de la pure imagination.

Je suis bien consciente également que je ne respecte pas exactement la consigne du défi n°36. Mais l'absurde de cette réalité m'envahit tant que j'avais besoin d'en faire quelque chose.

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