samedi 9 janvier 2010

Défi n°19 : Une création du monde

~ Billet 321 ~

Une semaine avec des mots de tête n°19 tellement effervescents qu'ils ont migré sauvagement le long de ma colonne vertébrale.
Brunô a proposé un drôle de challenge aux Croqueurs de mots.
                                                          
                                               La création du monde


Vaste question irrésolue, vaste débat au-delà des polémiques, enchantant les imaginaires, figeant les opinions dans leurs vérités opposées, vaste sujet emplissant les bibliothèques, ornant de  fresques et de statues les murs et les vitraux des plus beaux monuments du monde, animant de thèmes tumultueux les plus belles mélodies ...
Comment ajouter des mots ou des images à un tel sujet ?

D'autant que s'invitant dans la réflexion, le dernier numéro de Le Monde des Religions m'est arrivé par la poste ce lundi.
Et devinez le thème de son dossier :







Dieu et la science. Inutile de vous dire que cette revue m'a fourni de la lecture pour la semaine.



j'ai eu, pour une fois envie de vous proposer une légende. Ce ne devait pas être très difficile de trouver dans mes rayonnages un conte sur ce sujet universel. Je suis allée droit vers trois tomes de la collection Gründ que j'ai gardés.



Je n'ai pas lu d'histoire de création du monde dans les Contes de Birmanie, Gründ 1986,
textes de Maung Htin Aung,
 illustrations Irena Tarasova,
Adaptation française Claude Clément.





Mais j'étais sûre d'en trouver dans les Légendes de la lune du soleil et des étoiles, Artia 1977, Prague, Gründ 1977, septième tirage 1987, racontées par Jiri Serych, illustrées par Jan Kudlacek, traduction de Ivana Segers.
Et bien entendu, je n'y ai que l'embarras du choix tant l'imagination est riche et variée.


J'aurais pu vous conter celui-ci "Les météores et le soleil volé"

"C'était il y a longtemps, bien longtemps, quand rien n'avait encore existé, même pas notre monde. [...]"

ou celui-ci "Le forgeron céleste et l'aède*"

"Profond et sombre s'étendait le firmament et à l'infini l'espace céleste. [...] L'Ancien ... perdu dans ses pensées, ne les avait même pas entendus. on regard fixait les ténèbres infinies ...
-Le temps est venu de créer le monde ! [...]"

Mais celui que je vais vous résumer est extrait des Contes du Tibet et d'autres pays d'Extrême-Orient,Artia 1974, Gründ 1974, septième tirage 1988, racontés par Dana et Milada Stovickova, illustrés par Eva Bednarova, traduction Yvette Joye, arrangement graphique, Jaroslav Svab.
(mes excuses de ne pouvoir ici mettre l'accentuation sur les noms propres).


Je le retiens pour l'illustration toute trouvée, que j'ai déjà mise en ligne ICI.
et pour sa morale.
Car , comme Perrault l'écrivait déjà dans la préface
"[...] N'est-il pas louable à des Pères et des Mères lorsque leurs enfants ne sont pas encore capables de goûter les vérités solides et dénuées de tous agréments de les leur faire aimer, et, si cela se peut dire, de les leur faire avaler, en les enveloppant dans des récits agréables et proportionnés à la faiblesse de leur âge. Il n'est pas croyable avec quelle avidité ces âmes innocentes, et dont rien n'a encore corrompu la droiture naturelle, reçoivent ces instructions cachées. [...]"(extrait plus large cité dans l'introduction de Mille ans de contes aux éditions Milan, 1992, p7

Le tribunal céleste

Le monde n’était que ténèbres et brouillard, rien que brouillard.
Dieu lui-même ne se sentait plus que brume.
Il était seul au monde et la tristesse l’envahissait.
Alors d’un geste d’une main il fit la lumière et l’ombre de l’autre main.
D’un autre geste le ciel se balança et la terre se mit à tourner.
D’un troisième, il fit apparaître le soleil d’un côté et de l’autre les étoiles.

Au ciel il donna l’espace infini, au soleil l’ardeur du feu, aux étoiles une froide lumière.

A ses pieds, la terre était vide  et muette, triste.

Alors il la modela de vallées et de montagnes, de ruisseaux et de fleuves, accrocha les nuages aux sommets, y ajouta le vent..

Il planta des arbres, y mit des nids d’oiseaux et bien d’autres animaux.

Au soir, sentant venir la fatigue, il créa en dernier les pierres et les gens.

« Aux pierres, il dit :
-C'est sur vous que reposera la monde, vous vous multiplierez et vous répandrez sur toute la terre. Je vous bénis, vous et vos descendants.
Et Dieu contempla les pierres, qui se mettaient à se multiplier, formant de petits tas, puis des tas plus gros, puis de gigantesques amas qui recouvraient toutes les montagnes.
Ensuite, il se tourna vers les gens et leur dit :
- A vous autres, je donne l'intelligence et l'immortalité. Vous serez les jardiniers de la friche terrestre. Je vous bénis, vous et vos descendants. 

Alors les gens se sont répandus sur la terre. Dotés de l'intelligence, ils ont transformé les friches terrestres en jardins fleuris.

Et Dieu, satisfait, regagna son logis céleste, dans les hauteurs nuageuses. ».

Durant de nombreuses années les pierres habillèrent les montagnes et les gens cultivèrent les vallées et les plaines.

Mais  vint un temps où chacun manqua d’espace vital.
Les gens cultivèrent les pentes en terrasses et les pierres roulèrent dans les vallées et les prairies jusqu’aux labours.

Entre les hommes et les pierres, la mésentente s’installa. Les pierres faisaient tomber les gens et les gens déblayaient leurs terrains et jetaient les pierres dans l’eau.

Les pierres se mirent en colère et dévalèrent la montagne.
Les gens étaient écrasés et criaient en vain.
Leur immortalité ne les laissait même pas mourir pour échapper à ce supplice.

Dieu finit par entendre le grondement des pierres et la clameur des gens et se hâta vers la terre.

 Les pierres, devant lui, restaient immobiles.

- Dorénavant, déclara Dieu, vous ne vous disputerez plus.
Vous, les pierres, vous cesserez de  vous multiplier et vous resterez là où vous êtes. Et pour tout le mal que vous avez fait aux gens, ils pourront vous extraire, vous tailler et faire leurs maisons avec vous.
Et vous, les gens, vous cesserez d'être immortels.

Et Dieu, satisfait, regagna son logis céleste, dans les hauteurs nuageuses.
 
Et le conte se termine par cette phrase :
« Comme vous le voyez, il a bien jugé. Depuis son jugement, les hommes et les pierres ne se disputent plus entre eux ! »

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